1 500.
Ce bénéfice plus faible s’explique par la forte réduction du risque d’hospitalisation et de décès liés à la COVID-19 en raison du taux élevé de couverture vaccinale, de la présence de souches moins virulentes (Omicron) et de l’immunité obtenue par des infections antérieures.
L’évaluation du rapport bénéfice/risque et coût/efficacité d’un traitement par NR doit aussi tenir compte du prix élevé de Paxlovid® pour la communauté (± € 975 par conditionnement, remboursé en catégorie ) et des très nombreuses interactions médicamenteuses possibles. Ceci est particulièrement vrai dans le contexte belge où la couverture vaccinale est très élevée et où circulent des souches peu virulentes. Selon le « living guideline » de l’OMS et les guidelines néerlandais et britanniques, l’association NR a seulement une place spécifique chez (1) les patients présentant des comorbidités sévères et (2) les patients immunodéprimés.
Le Paxlovid® (nirmatrelvir + ritonavir, abrégé « NR » dans ce texte) est remboursé depuis le 1er novembre 2023 : voir « Nouveautés médicaments » dans les Folia de novembre 2023 ou cliquer sur le symbole au niveau de la spécialité Paxlovid® dans le Répertoire. Le Paxlovid® étant désormais remboursé, il nous a semblé important de faire le point sur ce que l’on sait aujourd’hui de ce médicament (situation au 31/10/2023).
Que savait-on de ce médicament l’année dernière ?
Le Paxlovid® a été commercialisé en mai 2022. La plupart des données provenaient de l’étude EPIC-HR ( voir Informations récentes dans les Folia de juin 2022).
L’étude EPIC-HR est une étude randomisée contrôlée par placebo ayant évalué l’efficacité du NR chez des patients atteints de COVID-19 non grave, en utilisant comme critères d’évaluation primaires l’hospitalisation et le décès. Les participants à cette étude étaient des patients non vaccinés atteints de COVID-19 confirmée (période du variant Delta) et présentant au moins un facteur de risque d’évolution grave, principalement l’obésité. Les résultats de cette étude révélaient un bénéfice avec le NR par rapport au placebo, le NR étant associé à un taux significativement plus faible d’hospitalisations et de décès dans le mois.
Malgré ces résultats encourageants, certaines questions restaient sans réponse : quelle est l’efficacité de ce médicament chez les patients vaccinés et quelle est son efficacité contre les nouveaux variants, tels qu’Omicron.
Que sait-on aujourd’hui ?
Pour rédiger cet article, nous nous sommes principalement appuyés sur une méta-analyse du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), qui a évalué l’efficacité du NR1. Les auteurs n’ont inclus que les études publiées après le 1er octobre 2022 ayant utilisé comme critères d’évaluation l’hospitalisation, le décès et l’évolution de la maladie (définie comme le risque d’admission en unité de soins intensifs et/ou de ventilation mécanique, ou comme le risque d’évoluer d’une forme légère à une forme grave de la maladie). Les auteurs fournissent ainsi une mise à jour de la méta-analyse de Cheema et al.2 qui incluait les études publiées jusqu’en octobre 2022.
La méta-analyse du KCE a inclus 30 études observationnelles, toutes des études de cohorte rétrospectives, et 2 études randomisées (de très faible qualité), portant sur un total de 2 039 988 patients. Certaines études incluaient des patients ambulatoires infectés par le SARS-CoV-2 sans tenir compte des symptômes ou des facteurs de risque, tandis que d’autres études incluaient des populations de patients spécifiques, telles que des patients atteints d’hémopathies malignes ou de maladies inflammatoires de l’intestin, ou incluaient seulement des patients hospitalisés.
La méta-analyse montre que le NR a un effet protecteur contre l’hospitalisation et le décès liés à la COVID-19 et contre l’évolution vers une forme grave de COVID-19. Le tableau 1 montre les risques relatifs et les intervalles de confiance à 95% pour les différents critères d’évaluation, pour (1) toutes les études, (2) les études portant sur des patients non hospitalisés et (3) les études portant sur des patients vaccinés.
Tableau 1 : Effet du NR selon les résultats de la méta-analyse du KCE
Toutes les études | Uniquement les études portant sur des patients à haut risque non hospitalisés | Uniquement les études portant sur des patients vaccinés | ||||
Critère d’évaluation | Pooled RR | IC à 95% | Pooled RR | IC à 95% | Pooled RR | IC à 95% |
Décès | 0,36 | 0,25-0,52 | 0,34 | 0,23-0,49 | 0,55 | 0,45-0,68 |
Hospitalisation | 0,43 | 0,37-0,51 | 0,45 | 0,37-0,55 | 0,52 | 0,34-0,81 |
Hospitalisation et/ou décès | 0,52 | 0,45-0,61 | 0,54 | 0,46-0,64 | 0,58 | 0,48-0,70 |
Évolution vers une forme grave de la maladie | 0,54 | 0,41-0,73 | 0,47 | 0,29-0,74 | 0,66 | 0,43-1,01 |
Discussion des résultats de la méta-analyse
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Les effets rapportés avec le NR étaient cohérents dans les études incluses, même si l’ampleur de l’effet et la conception des études étaient fort hétérogènes. Les auteurs du KCE signalent que pour le critère d’évaluation composite « décès et hospitalisation », un biais de publication est probable. La plus grande hétérogénéité dans les résultats d’étude a été observée pour le critère d’évaluation « évolution de la maladie » : certaines études rapportaient un effet protecteur statistiquement significatif, tandis que d’autres constataient un risque accru statistiquement non significatif pour ce critère.
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L’analyse en sous-groupes montre que l’effet du NR sur la mortalité était plus faible chez les patients vaccinés.
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La méta-analyse du KCE rapporte le « nombre de sujets à traiter » (NST) pour chaque critère d’évaluation primaire des 5 plus grandes études incluses (toutes observationnelles). Les NST varient d’une étude à l’autre, allant de 48 à 426. Les grandes différences dans les NST reflètent les différences du risque de complications graves dans les populations étudiées, avec un taux de vaccination et un profil de risque différents (pour plus d’informations, voir le tableau 5 dans le rapport du KCE). À titre de comparaison, dans l’étude EPIC, le NST pour le critère d’évaluation « hospitalisation ou décès dans le mois » était de 18.
Commentaire du CBIP
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La méta-analyse du KCE (incluant uniquement des études publiées après octobre 2022) montre que le NR a un effet protecteur contre l’hospitalisation et le décès liés à la COVID-19 et contre l’évolution vers une forme grave de la maladie. Comparée à une méta-analyse qui incluait de nombreuses études effectuées avant le variant Omicron, la méta-analyse du KCE montre un bénéfice plus faible du NR sur la mortalité. Dans le contexte actuel, davantage de patients doivent être traités avec le NR pour éviter 1 décès et/ou 1 hospitalisation. Le taux élevé de couverture vaccinale et l’immunité acquise lors d’infections antérieures, ainsi que la présence de souches moins virulentes, ont entraîné une forte réduction du risque de décès et d’hospitalisation.
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Un aspect important à prendre en compte : les interactions médicamenteuses ! Le ritonavir est un substrat du CYP3A4 et de la P-gp, un inhibiteur puissant du CYP2D6, du CYP3A4 et de la P-gp, et un inducteur du CYP2B6 et du CYP2C9 (voir tableau Ic. et tableau Id. dans le Répertoire Intro.6.3.).
Le nirmatrelvir est un substrat du CYP3A4. L’utilisation concomitante de médicaments fortement métabolisés par le CYP3A4 ou d’inducteurs puissants du CYP3A4 est contre-indiquée selon le RCP. Chez les patients à haut risque, qui prennent souvent déjà de nombreux médicaments chroniques, le risque d’interactions doit être soigneusement évalué en cas de traitement par NR. Pour les patients immunodéprimés qui prennent des médicaments biologiques, il est conseillé de contacter le spécialiste concerné, car de nombreuses interactions sont possibles avec les médicaments biologiques et il se peut que le spécialiste ait accès à d’autres antiviraux. -
Dans son « Therapeutics and COVID-19: living guideline », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (dernière mise à jour le 10 novembre 2023)3 émet une recommandation forte (strong recommendation for) en faveur de l’administration de NR aux patients atteints de COVID-19 non grave « à haut risque d’hospitalisation » (sont considérés comme tels les patients atteints de syndromes d’immunodéficience, les patients sous immunosuppresseurs après une transplantation d’organe et les patients sous immunosuppresseurs en raison de maladies auto-immunes). Chez les patients à « risque modéré d’hospitalisation » (sont notamment considérés comme tels les patients âgés de plus de 65 ans, les patients souffrant d’obésité, de diabète et/ou d’une maladie cardiopulmonaire chronique, d’une atteinte rénale ou hépatique chronique, d’un cancer actif), l’OMS émet une recommandation conditionnelle (conditional recommendation for) en faveur de l’utilisation de NR. Chez les patients à « faible risque d’hospitalisation » (c’est-à-dire tous les patients qui ne sont pas à haut risque ni à risque modéré d’hospitalisation), l’OMS émet une recommandation conditionnelle contre (conditional recommendation against) l’utilisation de NR). Ces recommandations sont principalement basées sur les données des études EPIC et les résultats in vitro selon lesquels le NR reste actif sur les nouveaux variants circulants. Selon les guidelines néerlandais4,5 et britanniques6, le NR a seulement une place spécifique chez (1) les patients présentant des comorbidités sévères et (2) les patients immunodéprimés.
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L’OMS indique également que l’utilisation du NR chez les femmes enceintes et allaitantes doit être basée sur une prise de décision partagée et éclairée, et que le bénéfice (il n’y a aucune raison pour que le NR soit moins efficace chez ces femmes) doit être évalué en tenant compte du fait que la sécurité d’utilisation est encore peu documentée pendant la grossesse. La base de données Vigibase de l’OMS ne montre actuellement aucun signal d’effets indésirables graves chez la mère ou l’enfant3.
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Des études en conditions réelles restent nécessaires pour mieux cerner le profil d’efficacité du NR, notamment dans des populations spécifiques à haut risque, et en tenant compte des variants prédominants, en constante évolution, et de l’immunité de base de la population. Ceci est particulièrement vrai dans le contexte belge où la couverture vaccinale est très élevée et où circulent des souches peu virulentes.
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Note : il n’existe actuellement aucune preuve convaincante que le NR a un effet sur le Covid long (Voir Folia de mai 2023).
Sources
1 Task Force Therapeutics Viral Diseases. Effectiveness of nirmatrelvir-ritonavir on severe outcomes of COVID-19 in the era of vaccination and Omicron: an updated meta-analysis. Authors: Ombelet, Sien; Castanares-Zapatero, Diego; Desimpel, Fabian; Hulstaert, Frank; Stordeur, Sabine; Roberfroid, Dominique. KCE report (2023-09-01)
2 Cheema HA, Jafar U, Sohail A, Shahid A, Sahra S, Ehsan M, et al. Nirmatrelvir-ritonavir for the treatment of COVID-19 patients: A systematic review and meta-analysis. J Med Virol. 2023;95(2):e28471
3 World Health Organization (WHO). Therapeutics and COVID-19: Living guideline. 10 november 2023. Dernière consultation le 16 novembre 2023. Cliquer ici.
4 Richtlijnendatabase. « Flexibele aanvulling medicamenteuze behandeling. » https://richtlijnendatabase.nl/gerelateerde_documenten/f/26150/Flexibele%20aanvulling%20medicamenteuze%20behandeling.pdf
5 NHG-STANDAARD- COVID-19 Nederlands Huisartsen Genootschap. Gepubliceerd: juli 2021. Dernière mise à jour : avril 2023. Disponible sur : https://richtlijnen.nhg.org/standaarden/covid-19#volledige-tekst-nirmatrelvirritonavir
6 Independent report. « Defining the highest hisk clinical subgroups upon community infection with SARS-CoV-2 when considering the use of neutralising monoclonal antibodies (nMABS) and antiviral drugs (updates march 2023. » (updated September 2023) GOV.UK. Cliquer ici.