Message clé
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Une étude observationnelle chez les femmes enceintes dépendantes aux opioïdes puissants montre qu’un traitement de substitution par buprénorphine est associé à un meilleur pronostic néonatal par rapport à un traitement de substitution par méthadone1.
En quoi cette étude est-elle importante ?
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Dans le contexte de « dépendance », les opioïdes sont utilisés sans raison médicale légitime, ou, s’il existe une affection médicale nécessitant ce traitement, ils sont utilisés à des doses largement en excès par rapport à la quantité nécessaire pour soulager la douleur. Les personnes dépendantes aux opioïdes achètent généralement leurs opioïdes sur le marché illégal, mais parfois aussi auprès des médecins en simulant ou en exagérant des problèmes somatiques, ou grâce à des prescriptions simultanées de plusieurs médecins (shopping médical)2. Si le sevrage des opioïdes échoue à plusieurs reprises, on peut dans certains cas interpréter la maladie comme une dépendance chronique aux opioïdes justifiant un traitement de substitution3.
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Le traitement de substitution consiste à remplacer un usage d’opioïdes puissants (morphine, héroïne, …) par un usage contrôlé de méthadone ou de buprénorphine dans le but d’atténuer le manque d’opioïdes (voir 10.5.3. Médicaments utilisés dans la dépendance aux opioïdes). Chez les femmes enceintes dépendantes aux opioïdes, cette thérapie de substitution est fortement recommandée4-7. En effet, sous thérapie de substitution, le suivi prénatal est meilleur et les risques de prématurité et d’overdose moindres par rapport à l’absence de thérapie (voir Folia décembre 2006)1,8.
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Cependant, comme pour la dépendance aux opioïdes, ce traitement de substitution peut entraîner, chez le nouveau-né, des symptômes de sevrage, connu sous le nom de syndrome d’abstinence néonatale (voir Folia décembre 2006).
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Une étude RCT « Mother », publiée en 2010, montrait une plus grande sécurité périnatale avec le traitement de substitution par buprénorphine, comparé à celui par méthadone (voir « + plus d’info »)9. Des limites importantes étaient cependant associées à l’étude « Mother », et des données complémentaires étaient nécessaires pour conclure fermement à cette supériorité. L’étude commentée dans cet article [NEJM, 2022]1 fournit des données supplémentaires.
L’étude MOTHER (Maternal Opioid Treatment : Human Experimental Research) est une RCT qui a étudié l’impact d’une substitution par la buprénorphine chez 175 femmes enceintes dépendantes aux opioïdes sur le syndrome d’abstinence néonatale, en comparaison avec une substitution par la méthadone. Les enfants exposés à la buprénorphine in utero recevaient moins de morphine pour traiter les symptômes de ce syndrome, en comparaison à une exposition in utero à la méthadone. La durée du traitement était plus courte et le séjour à l’hôpital moins long en comparaison avec la méthadone. Cette étude présente toutefois des limites, notamment son petit échantillon et son taux élevé d’abandons, plus important dans le groupe sous buprénorphine.
Protocole de l’étude
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Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective menée entre 2000 et 2018 dont les données sont issues du Medicaid (organisme assureur public aux USA). L’échantillon comprend des femmes enceintes dépendantes aux opioïdes.
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Le but de cette étude est d’évaluer le risque de conséquences néonatales et maternelles défavorables avec la buprénorphine, en comparaison avec la méthadone.
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Les critères d’évaluation chez le nouveau-né incluent le syndrome d’abstinence néonatale, la prématurité, la petite taille gestationnelle, et le faible poids à la naissance. Les critères d’évaluation chez la mère comprennent la césarienne et les complications maternelles sévères (affections potentiellement mortelles causées ou aggravées par la grossesse) (voir « + plus d’info »).
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Les critères d’évaluation sont analysés chez des femmes exposées aux opioïdes dont le traitement de substitution avait été débuté dès le début de la grossesse (jusqu’à la semaine 19 de grossesse) ou en deuxième moitié de grossesse (de la 20ème semaine de grossesse jusqu’au jour précédent l’accouchement).
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Une correction a été effectuée pour de nombreux facteurs confondants, comme par exemple la gravité de la dépendance, les comorbidités, l’état psychologique, etc.
- Les complications maternelles sévères sont celles apparaissant dans les 30 jours après l’accouchement. Elles comprennent la décompensation cardiaque aigüe / hépatique aigüe / rénale aigüe, l’infarctus du myocarde, le syndrome de détresse respiratoire aigüe, la coagulation intravasculaire disséminée, le coma, le délirium, les troubles cérébro-vasculaires, l’embolie pulmonaire, l’œdème pulmonaire, le sepsis, le choc et l’asthme.
- L’apparition d’un syndrome d’abstinence néonatale est évaluée chez les enfants exposés in utero au traitement de substitution 30 jours avant l’accouchement. Le critère de prématurité a été fixé à 36 semaines.
Résultats en bref
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Le risque de syndrome d’abstinence néonatale était plus faible avec la buprénorphine qu’avec la méthadone : 52% contre 69% (risque relatif de 0,73 ; 95% IC de 0,71 à 0,75).
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La buprénorphine, comparée à la méthadone, était moins susceptible d’entraîner des prématurés, des nouveau-nés de petites tailles gestationnelles ou avec un faible poids à la naissance (voir « + plus d’info »).
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Il n’y a pas eu de différence entre la méthadone et la buprénorphine en ce qui concerne le risque de complications maternelles graves et la nécessité d’une césarienne (voir « + plus d’info »).
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Parmi les données sur 2 548 372 naissances en vie, 10 704 grossesses étaient exposées en début de grossesse à la buprénorphine et 4 387 à la méthadone. En deuxième moitié de grossesse, 11 272 patientes étaient exposées à la buprénorphine, et 5 056 à la méthadone. Le degré d’exposition aux thérapies de substitution était comparable en début de grossesse à celui observé en deuxième partie de grossesse : 85% des grossesses sous buprénorphine et 89% de celles sous méthadone avaient la même médication en début de grossesse qu’en fin de grossesse, ce qui reflète un haut degré d’adhérence au traitement.
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Les résultats généraux de l’étude pouvaient se généraliser à un sous-groupe de personnes dont la dépendance aux opioïdes active était documentée (personnes ayants un code diagnostic de dépendance aux opioïdes entre 90 jours avant la dernière période menstruelle et un jour avant l’accouchement : 85% dans le groupe buprénorphine et 98% dans le groupe méthadone) : un syndrome d’abstinence néonatale était observé chez les nourrissons de 54,3% des femmes enceintes sous buprénorphine et de 70,1% des femmes enceintes sous méthadone.
- Le traitement de substitution à la buprénorphine, comparé à celui à la méthadone, était moins susceptible d’entraîner des effets indésirables pour le nouveau-né :
- prématurité : 14% versus 25%; avec un risque relatif de 0,58 ( 95% IC de 0,53 à 0,62) en début de grossesse et un risque relatif de 0,57 ( 95% IC de 0,53 à 0,62) en deuxième partie de grossesse;
- petite taille gestationnelle : 12% à 13 % versus 15%; avec un risque relatif de 0,72 (95% IC de 0,66 à 0,80) en début de grossesse et un risque relatif de 0,75 (95% IC de 0,69 à 0,82) en deuxième partie de grossesse;
- faible poids de naissance : 8% versus 14%; avec un risque relatif de 0,56 (95% IC de 0,50 à 0,63) en début de grossesse et un risque relatif de 0,56 (95% IC de 0,50 à 0,62) en deuxième partie de grossesse.
- Pour le risque de complications maternelles graves, il n’y avait pas de différence entre la méthadone et la buprénorphine :
- césarienne : 33%; avec un risque relatif de 1,02 (95% IC de 0,97 à 1,08) en début de grossesse et un risque relatif de 1,03 (95% IC de 0,97 à 1,09) en deuxième partie de grossesse;
- complications maternelles sévères : 3,5%; avec un risque relatif de 0.91 (IC de 0,74 à 1,13) en début de grossesse et un risque relatif de 0,93 (95% IC de 0,77 à 1,14) en deuxième partie de grossesse.
- Le traitement de substitution à la buprénorphine, comparé à celui à la méthadone, était moins susceptible d’entraîner des effets indésirables pour le nouveau-né :
Discussion et conclusion
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Cette étude observationnelle constate que dans le contexte d’un traitement de substitution chez les femmes dépendantes aux opioïdes, l’exposition in utéro à la buprénorphine est de moindre risque pour le nouveau-né par rapport à celle à la méthadone : moins de syndrome d’abstinence néonatale, moins de prématurité, moins de petite taille gestationnelle, et moins de faible poids à la naissance.
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Les points forts de cette étude comprennent la grande taille de l’échantillon et l’attention portée aux facteurs confondants.
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Une limitation de l’étude est la fréquence d’administration de la méthadone en dose unique, non optimale sur base de sa pharmacocinétique. Son métabolisme plus rapide chez la femme enceinte voudrait qu’on l’administre en plusieurs doses. Cette dose journalière unique de méthadone influence potentiellement les résultats10.
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Une autre limitation est que dans l’échantillon étudié, les patientes n’étaient pas toutes documentées comme ayant une dépendance aux opioïdes, que ce soit pour le groupe buprénorphine ou pour le groupe méthadone.
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Sur base de nos sources (Lareb, LeCrat, Briggs), la méthadone est associée à un faible risque de malformations congénitales, et aurait comme principales conséquences chez le nouveau-né un faible poids à la naissance et un syndrome d’abstinence néonatale. Avec la buprénorphine, les manifestations de ce syndrome sont moins sévères. Des guidelines américaines suggèrent de considérer aussi bien la méthadone que la buprénorphine comme traitement de substitution5.
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La buprénorphine utilisée à visée antalgique (Temgésic® ou Transtec®) est dix à cent fois moins dosée que la buprénorphine utilisée dans le cadre d’un traitement de substitution (Buvidal® ou Subutex®).
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L’intérêt d’une approche multidisciplinaire et cognitivo-comportementale en cas de traitement de substitution a été souligné par les recommandations de bonne pratique11.
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Un traitement de substitution ne doit être initié que par des médecins spécialistes (le plus souvent psychiatres) ou des médecins généralistes formés et habitués à ces situations.
Sources
1 Suarez EA, Huybrechts KF, Straub L, et al. Buprenorphine versus Methadone for Opioid Use Disorder in Pregnancy, N Engl J Med 2022; 387: 2033-44. DOI: 10.1056/NEJMoa2203318
2 DSM- IV p313, https://adere-paris.fr/PDF/DSM-IV_manuel-diagnostique-troubles-mentaux.pdf
3 Ebpracticenet. Prise en charge de l’addiction aux médicaments en première ligne. Via https://acc-ebpnet.ausy.solutions/fr/ebsources/1000?check_logged_in=1
4 Committee opinion no. 711: opioid use and opioid use disorder in pregnancy. Obstet Gynecol 2017; 130(2): e81-e94.
5 ACOG Committee on Obstetric Practice; American Society of Addiction Medicine. ACOG committee opinion no. 711: opioid use and opioid use disorder in pregnancy. 2012 (https://www .acog.org/clinical/clinical-guidance/committee-opinion/articles/2017/08/opioid-use-and-opioid-use-disorder-in-pregnancy).
6 Jones HE, Martin PR, Heil SH, et al. Treatment of opioid-dependent pregnant women: clinical and research issues. J Subst Abuse Treat 2008; 35: 245-59.
7 Krans EE, Kim JY, Chen Q, et al. Outcomes associated with the use of medications for opioid use disorder during pregnancy. Addiction 2021; 116: 3504-14.
8 Krans EE. Neonatal Outcomes after Use of Buprenorphine during Pregnancy. Editorial. N Engl J Med 2022;387:2085-6. DOI: 10.1056/NEJMe2212967
9 Jones HE, Kaltenbach K, et al. Neonatal Abstinence Syndrome after Methadone or Buprenorphine Exposure. 2010; 363: 2320-233. DOI: 10.1056/NEJMoa1005359
10 McCarthy JJ. Buprenorphine versus Methadone in Pregnancy, N Engl J Med 2023; 388: 957-958 DOI: 10.1056/NEJMc2300439
11 Intérêt comparatif de la buprénorphine pour le sevrage des opioïdes. Minerva 2018; 17: 3-7. https://www.minerva-ebp.be/FR/Article/2153