L’Agence française des médicaments a accordé en 2014 une « autorisation temporaire » pour l’utilisation du baclofène en prévention des rechutes chez les patients présentant une dépendance à l’alcool. Récemment, l’Agence française a renforcé les conditions de cette utilisation temporaire, suite à des données provenant d’une étude épidémiologique suggérant un profil d’innocuité défavorable. Par ailleurs, dans une étude contrôlée par placebo récemment publiée, l’efficacité du baclofène dans le cadre de la dépendance à l’alcool n’a pas pu être démontrée. Ceci renforce la conclusion des Folia d’avril 2016 selon laquelle le baclofène est à déconseiller dans le cadre de la prévention de rechutes chez les patients présentant une dépendance à l’alcool.

L’utilisation du baclofène dans le cadre de la dépendance à l’alcool ne figure pas parmi les indications du RCP ni en Belgique, ni en France. L’Agence française des médicaments a toutefois accordé en 2014 une « autorisation temporaire” » (RTU, Recommandation Temporaire d’Utilisation)1 pour l’utilisation du baclofène, sous certaines conditions, dans le cadre du maintien de l’abstinence ou de la diminution de la consommation problématique d’alcool, et ce dans l’attente de davantage de données d’efficacité et d’innocuité [voir aussi Folia d’avril 2016]. La dose journalière de baclofène qui était prévue dans le cadre de cette autorisation temporaire pouvait aller jusqu’à 120 mg, voire même, sous certaines conditions strictes, à 180 mg (jusqu’à maximum 300 mg) par jour, ce qui est nettement plus élevé que la posologie habituelle dans les indications classiques du baclofène. 

Le problème d’innocuité

L’Agence française des médicaments a récemment décidé que la dose de baclofène dans le cadre de la dépendance à l’alcool ne pouvait plus dépasser 80 mg par jour.2

L’Agence française des médicaments souligne que chez les patients prenant des doses supérieures à 80 mg par jour de baclofène, la dose doit être progressivement réduite (réduction de 10 à 15 mg tous les 2 jours), et ce afin de diminuer le risque de symptômes de sevrage pouvant apparaître en cas d’arrêt brutal (notamment des hallucinations et de la confusion). 

Cette décision fait suite aux données provenant d’une étude épidémiologique française qui suggèrent que le baclofène est associé à une augmentation dose-dépendante du risque d’hospitalisation et de décès, en comparaison avec des médicaments autorisés dans la prévention de rechutes (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfirame)3. Le baclofène était associé à un plus grand nombre d’intoxications médicamenteuses (entre autres par des hypnotiques et sédatifs) et à un nombre accru de crises épileptiques et de cas de décès dits « inexpliqués ». Ceci a surtout été constaté à partir de la dose de 180 mg de baclofène par jour. En dehors de cette étude, des rapports alarmants provenant de centres antipoisons en France font état de cas parfois graves d’intoxication au baclofène.4

Efficacité non prouvée

En ce qui concerne l’efficacité, les résultats de l’étude Alpidir5, l’une des deux études randomisées contrôlées par placebo mentionnées dans les Folia d’avril 2016, viennent d’être publiés. Le baclofène (titré jusqu’à une dose maximale de 180 mg par jour) n’y est associé à aucun bénéfice en ce qui concerne le taux d’abstinence (c.-à-d. l’arrêt de la consommation d’alcool; critère d’évaluation primaire), ni en termes de diminution de la consommation d’alcool (critère d’évaluation secondaire). Le degré de craving (c.-à-d. l’envie intense d’alcool; un critère d’évaluation secondaire) avait diminué de manière statistiquement significative par rapport au placebo. Les effets indésirables attendus (notamment somnolence, troubles du sommeil, asthénie, vertiges, céphalées, paresthésies, nausées) étaient nettement plus fréquents dans le groupe traité par le baclofène. En outre, dans le groupe traité par le baclofène, l’incidence de l’anxiété augmentait avec la durée du traitement et était la plus élevée durant la période d’arrêt progressif.

Conclusion du CBIP

Les données abordées ci-dessus montrent que le rapport bénéfice/risque du baclofène est négatif dans le cadre de la prévention des rechutes chez les patients présentant une dépendance à l’alcool, et renforcent la conclusion des Folia d’avril 2016, à savoir que le baclofène est à déconseiller dans cette indication.
 

Sources spécifiques

1 Recommandations Temporaires d’Utilisation (RTU). LIORESAL 10 mg, comprimé sécable – BACLOFENE Zentiva 10 mg, comprimé. Site Web de l’Agence française des médicaments (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM) 
2 Site Web de l’Agence française des médicaments (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM), communiqué du 25/07/17.
3 Site Web de l’Agence française des médicaments (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM), communiqué du 03/07/17.
4 Pelissier F, de Haro L, Cordona F, Picot C et al. Self-poisoning with baclofen in alcohol-dependent patients: national reports to French Poison Control Centers, 2008-2013.
Clin Toxicol 2017;55:275-84 (doi: 10.1080/15563650.2017.1284330
5 Reynaud M, Aubin HJ, Trinquet F, Zakine B et al. A randomized, placebo-controlled study of high-dose baclofen in alcohol-dependent patients – The Alpidir Study. Alcohol and Alcoholism 2017,52:439-46 (doi:10.1093/alcalc/agx030), avec discussion dans BIP31.FR (BIP31.fr 2017;24:28)