Une revue systématique d’études observationnelles sur les effets indésirables du paracétamol est parue le 2 mars 2015.[1]Les auteurs de l’étude signalent une  augmentation dose-dépendante de la mortalité totale et deffets indésirables cardio-vasculaires, gastro-intestinaux et rénaux sévères avec le paracétamol. Une interprétation critique des résultats ne permet toutefois pas de conclure qu’il existe un lien causal entre le paracétamol et les différents effets indésirables décrits. Vous trouverez ci-dessous quelques détails ainsi que quelques commentaires sur cette étude qui a fait l’objet d’une attention particulière dans les médias.

 

Quelques détails concernant l’étude

–        Pour la revue de la littérature, 1.888 études observationnelles ont été sélectionnées, dont 8 études de cohorte ont été finalement incluses. Ces 8 études de cohorte étaient les seules études qui répondaient aux critères d’inclusion (âge des patients  > 18 ans; posologie: 0,5 g à 1 g par dose, toutes les 4 à 6 heures, jusqu’à maximum 4 g par jour).

–        Le niveau de preuve des résultats dans les études avait été quoté par les auteurs de la revue de la littérature comme “faible” ou “très faible”.

–        Les résultats n’ont pas pu être regroupés en raison de l’hétérogénéité entre les études (type de patients inclus; paracétamol en vente libre (OTC) versus sous prescription, quantification de la consommation de paracétamol, p.ex. nombre de jours d’utilisation par mois versus nombre total de grammes de paracétamol sur plusieurs années).

–        Les études incluses dans la revue de la littérature montrent une augmentation dose-dépendante de la mortalité totale, des évènement cardio-vasculaires (p.ex. infarctus du myocarde,  accident vasculaire cérébral), des effets indésirables gastro-intestinaux (ulcère et complications telles que des hémorragies) et des effets indésirables rénaux (entre autres diminution de la filtration glomérulaire) par rapport à l’absence de paracétamol.

 

Quelques commentaires

–        Il s’agit ici d’une revue de la littérature d’études observationnelles non randomisées. Les études observationnelles constituent une méthodologie souvent utilisée pour étudier des effets indésirables car elles sont plus appropriées que les études randomisées pour évaluer les avantages et les inconvénients d’un médicament en situation réelle d’utilisation [voir aussi Folia d’octobre 2005]. Les études randomisées ont toutefois un meilleur niveau de preuve, mais elles ne sont souvent pas appropriées pour évaluer les effets indésirables (p.ex. en raison de la nécessité d’un nombre élevé de patients pour étudier des effets indésirables rares, et des faibles possibilités d’extrapolation en raison de critères d’inclusion et d’exclusion stricts).  Des études observationnelles rigoureuses ont donc certainement leur place mais elles doivent être évaluées de manière très critique en raison de l’existence éventuelle de biais et de variables confondantes.

–        Une interprétation critique des résultats de cette revue de la littérature ne permet pas de conclure qu’il existe un lieu causal entre le paracétamol et les différents effets indésirables décrits. Les principales limites de cette revue systématique sont le nombre limité d’études incluses, et la faible qualité des études incluses, avec une forte suspicion de biais et de variables confondantes. Ainsi, les résultats peuvent être faussés par le fait que les informations concernant une pathologie sous-jacente chez ces patients ou concernant l’emploi d’autres médicaments que le paracétamol ne sont pas documentées. Dans l’étude ayant montré une mortalité accrue, le lien entre le paracétamol et l’augmentation de la mortalité peut dès lors s’expliquer par l’affection ou les symptômes pour lesquels le paracétamol était administré plutôt que par le paracétamol lui-même (confounding by indication).

–        L’étude ne modifie pas la place du paracétamol comme analgésique et antipyrétique de premier choix. Il va de soi que pour le paracétamol, comme pour chaque médicament, les avantages et inconvénients doivent être mis en balance. Nous renvoyons au Répertoire Commenté des Médicaments (chapitre 8.1. et chapitre 8.2.) pour la discussion concernant la place du paracétamol dans la fièvre et la douleur. En ce qui concerne la fièvre, il est important d’informer les patients du fait qu’un traitement médicamenteux ne s’avère pas toujours nécessaire. En cas d’usage prolongé de paracétamol en raison de douleurs, il est utile  de réévaluer régulièrement la nécessité de poursuivre le traitement. Dans les situations douloureuses pour lesquelles il existe peu de preuves d’un effet favorable du paracétamol (p.ex. en cas de lombalgies aiguës, voir Folia d’octobre 2014), l’effet du paracétamol doit être suivi afin d’éviter un emploi inutile. Le risque d’effets indésirables du paracétamol est faible mais l’hépatotoxicité en cas de surdosage constitue un problème grave. La prudence est certainement de mise chez les patients dont le seuil d’hépatotoxicité du paracétamol est abaissé: les enfants, les adultes très maigres (< 50 kg), les personnes très âgées et les personnes présentant les facteurs de risque suivants: alcoolisme, malnutrition chronique, insuffisance hépatique ou rénale [voir Folia d’avril 2011].

–        De nombreuses préparations à base de paracétamol sont en vente libre, sous divers noms de spécialités. Une prise non intentionnelle de paracétamol sous différents noms de spécialités peut être la cause d’un surdosage et doit être fortement évitée.  

 

 



[1]
Ann Rheum Dis(doi:10.1136/annrheumdis-2014-206914), publication en ligne au 01/02/15); l’article complet peut être consulté sur https://ard.bmj.com/content/early/2015/02/09/annrheumdis-2014-206914. L’étude a été discutée également dans le British Medical Journal[2015;350:h1186 (doi:10.1136/bmj.h1186)]