La Revue Prescrire rappelle la marge thérapeutique étroite de la colchicine. Un surdosage peut avoir des conséquences graves. La posologie doit donc être strictement respectée, en prêtant attention à la présence d’une insuffisance rénale ou hépatique et aux nombreuses interactions.

La colchicine est selon le RCP indiquée dans le traitement des crises de goutte et dans leur prévention au début d’un traitement hypo-uricémiant. Le RCP mentionne aussi les indications fièvre méditerranéenne familiale et sclérodermie. Ces dernières années, la colchicine à faible dose a également été étudiée pour différents problèmes cardiaques, entre autres la péricardite récidivante (voir Folia mars 2016) et la colchicine à faible dose est étudiée chez des patients atteints de maladie coronarienne qui ont été traités par intervention coronarienne percutanée (ICP, site Web KCE). 

Dans deux articles publiés récemment, herinnert1,2La Revue Prescrire rappelle que

  • la colchicine est un médicament à marge thérapeutique étroite

  • lors d’un surdosage, il y a un risque de rhabdomyolyse, neuropathie, dépression médullaire, atteinte rénale et hépatique. Des plaintes gastro-intestinales (diarrhée, nausées, vomissements) peuvent constituer les premiers symptômes d’intoxication.

La Revue Prescrire discute la persistance d’un nombre important de cas de surdosage rapportés en France malgré des mesures de minimisation des risques, comme l’envoi d’une lettre aux professionnels de la santé français (DHPC) en 2016. Il ressort en effet des données françaises de toxicovigilance et de pharmacovigilance (période 2016-2020) que

  • des erreurs thérapeutiques (p.ex. erreur de posologie) restent une cause fréquente de surdosage;

  • le schéma thérapeutique est souvent complexe pour le patient;

  • des cas d’évolution fatale sont rapportés, entre autres en cas d’association de la colchicine et d’un macrolide ou d’une statine;

  • il y a aussi des notifications de surdosage intentionnel, dans le contexte de tentatives de suicide.

NB En Belgique, pour la période 2018-2022, le Centre Antipoisons a reçu environ 90 cas d’exposition à la colchicine, dont 29 cas de surdosage accidentel et 19 cas de surdosage intentionnel.
 

Afin de limiter le risque de surdosage à la colchicine, il est important de prendre en compte les éléments suivants:

  • Respecter la posologie, avec une attention pour la présence d’une insuffisance rénale ou hépatique (attention aux personnes âgées).

    • La posologie en cas des crises aiguës de goutte telle que mentionnée dans le Répertoire > 9.3.1. Colchicine (édition 2024) est la suivante (sources : RCP, Farmacotherapeutisch Kompas, NHG-standaard Artritis (2017)):

      • Initier la colchicine le plus tôt possible. Débuter par 1 mg dans les 12 premières heures, suivi de 0,5 mg une heure plus tard, et poursuivre les jours suivants à 0,5 mg 2 à 3 fois par jour.

      • Chez la personne âgée ou en cas de maladie rénale, une dose de 0,5 mg est préconisée lors de la première prise.

      • En cas d’insuffisance rénale modérée, une dose de 0,5 mg tous les deux jours est recommandée. La période de traitement doit être aussi courte que possible. Chez les patients atteints d’une insuffisance rénale sévère, la colchicine est contre-indiquée.

      • Le traitement doit être arrêté ou réduit une fois les douleurs disparues ou lors d’effets indésirables gastro-intestinaux.

      • Un total de maximum 6 mg est recommandé au cours d’un traitement. En cas de nouvelle crise, un intervalle de 72 heures est recommandé avant de recommencer un traitement par colchicine.

    • Encore quelques considérations en cas d’utilisation dans la crise aiguë de goutte, venant d’autres sources :

      • Traiter pendant maximum 5 jours. Arrêter le traitement dès les premiers signes de toxicité (diarrhée, nausées, vomissements), ou si les plaintes n’ont pas diminué après 5 jours, ou si la douleur a disparu (NHG-standaard “Artritis” (2017)).

      • Selon le NHG-Standaard Artritis (2017), en cas de traitement de courte durée à faible dose (0,5 mg 2-3x/jour), une adaptation de la dose n’est pas nécessaire chez les patients ayant une insuffisance rénale (légère à modérée).

  • Être attentif aux nombreuses interactions :

    • Risque d’intoxication en cas d’association à des inhibiteurs du CYP3A4 (entre autres les macrolides clarithromycine et érythromycine ; les dérivés azoliques itraconazole, kétoconazole, posaconazole et voriconazole ; le jus de pamplemousse) et de la P-gp (entre autres amiodarone ; ciclosporine ; clarithromycine ; dérivés azoliques itraconazole et kétoconazole ; vérapamil): voir Tableau Ic. dans Intro.6.3. et Tableau Id. dans Intro.6.3. Contre-indications selon le RCP :

      • association avec un inhibiteur puissant du CYP3A4 ou de la P-gp chez les patients ayant une insuffisance rénale ou hépatique ;

      • association avec un macrolide chez tous les patients.

    • Risque accru de myopathie en cas d’association à des statines ou des fibrates.

  • Éviter la prescription d’antidiarrhéiques au cours du traitement car ils pourraient masquer les premiers signes d’alerte d’un surdosage.

    En France il existe une association fixe de colchicine et de poudre d’opium. La poudre d’opium peut masquer les symptômes de diarrhée. Ceci explique sans doute la forte proportion de cas de surdosage rapportés en France avec cette association.

Noms des spécialités concernées:

 – Colchicine: Colchicine Opocalcium® (voir Répertoire)

 

Sources spécifiques

Colchicine et crise de goutte. Posologie encore diminuée dans les RCP en raison des dangers en cas de surdose. La Revue Prescrire 2023 ; 43 :347
Colchicine : encore des surdoses et des morts. La Revue Prescrire 2023 ; 43 : 512-515
3 Compte rendu du Comité scientifique permanent Surveillance et Pharmacovigilance de l’ANSM, séance du 27/9/2021, via Évènement – Comité Interface avec le réseau de toxicovigilance – ANSM (sante.fr)