• Message clé

    • Des anti-CGRP (anticorps monoclonaux anti-CGRP (calcitonin gene-related peptide ou peptide relié au gène calcitonine): érénumab, frémanezumab, galcanézumab) sont depuis peu disponibles pour la prophylaxie de la migraine en Belgique [Folia d’août 2021]. Une récente étude de cohorte signale un risque potentiellement accru de complications microvasculaires graves chez les patients présentant un phénomène de Raynaud (ou des facteurs de risque du phénomène de Raynaud) et utilisant des anti-CGRP.

    • Les professionnels de la santé sont invités à signaler toute suspicion de cas au Centre de Pharmacovigilance (la division « Vigilance ») de l’AFMPS, sur www.notifieruneffetindesirable.be.

  • En quoi cette étude est-elle importante ?

    • Les anti-CGRP sont de nouveaux médicaments dont l’innocuité à long terme est encore peu documentée.

    • Il existe une explication biologique au lien qui pourrait exister entre les anti-CGRP et le phénomène de Raynaud : le CGRP (peptide relié au gène calcitonine) a de puissants effets vasodilatateurs et un déficit en CGRP pourrait jouer un rôle important dans la physiopathologie du phénomène de Raynaud et de la sclérodermie.

    • L’aggravation du phénomène de Raynaud n’est pas mentionnée comme effet indésirable dans le RCP.

  • Protocole de l’étude

    • Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective menée aux États-Unis sur 169 adultes ayant été traités avec un anti-CGRP, en prophylaxie de la migraine, entre mai 2018 et septembre 2020. Les critères d’inclusion étaient un diagnostic de migraine, un diagnostic de phénomène de Raynaud primaire ou secondaire et l’utilisation antérieure ou actuelle d’anti-CGRP.

    • Les critères d’évaluation primaires étaient les complications microvasculaires (telles que l’aggravation du phénomène de Raynaud, l’ulcération digitale et la nécrose avec gangrène) survenant suite à l’exposition à l’anti-CGRP. Les patients étaient âgés en moyenne de 46 ans.

  • Résultats en bref

    • Neuf des 169 patients ont présenté des complications microvasculaires sous traitement par anti-CGRP.

    • Cinq des neuf patients avaient un phénomène de Raynaud connu avant l’étude, dont trois étaient idiopathiques et deux secondaires à une sclérodermie. Les quatre autres patients ont eu un phénomène de Raynaud nouvellement diagnostiqué.

    • Deux de ces neuf patients ont eu des complications graves. Le premier patient (avec sclérodermie connue) a eu une aggravation des télangiectasies du visage. Le second patient (sans antécédents de phénomène de Raynaud) a souffert d’une nécrose digitale nécessitant une amputation.

      Huit des neuf patients présentaient une migraine chronique connue ; quatre patients souffraient de migraine avec aura et cinq patients de migraine sans aura. L’association avec des complications microvaculaires a évaluée pour les anti-CGRP suivants : le galcanézumab (chez 3 patients), l’érénumab (chez 5 patients) et le frémanezumab (chez 1 patient).
  • Limites de l’étude​

    • Il se pourrait que la population étudiée soit de trop petite taille et la durée de suivi trop courte pour pouvoir détecter de manière fiable des complications microvasculaires.

    • Le groupe traité n’a pas été comparé à un groupe témoin. Il est donc difficile de comparer : combien de patients souffriraient de complications microvasculaires suite à une évolution naturelle du phénomène de Raynaud ? Selon les études, un phénomène de Raynaud primaire ne semble toutefois pas être associé à des ulcérations digitales, ni à une évolution vers la sclérodermie ou à d’autres affections rhumatismales secondaires. En revanche, un phénomène de Raynaud secondaire évolue dans 50 % des cas vers des ulcérations digitales.

    • L’utilisation d’une base de données médicales comme seule source de données peut avoir conduit à une sous-estimation des complications.

    • Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective qui ne permet pas de démontrer une relation causale.

  • Conclusion

    • Chez les patients présentant un phénomène de Raynaud ou des facteurs de risque du phénomène de Raynaud, l’utilisation d’anti-CGRP (anticorps monoclonaux anti-CGRP (calcitonin gene-related peptide ou peptide relié au gène calcitonine)) pourrait provoquer ou aggraver des complications microvasculaires (progression de la maladie vers une forme plus grave, ulcérations digitales et nécroses). Des études complémentaires sont toutefois nécessaires, sur une population plus importante et avec un groupe témoin, pour pouvoir évaluer la pertinence clinique de ces résultats et la fréquence de cet effet indésirable.

    • Etant donné la voie d’administration parentérale et la durée prolongée (quelques semaines) des effets de ces médicaments, il est probablement prudent de les éviter lorsque ces antécédents sont présents.

Sources

– Rédaction Prescrire. Erénumab et autres anti-CGRP : phénomènes de Raynaud. La Revue Prescrire 2021 ; 41:827
– Breen ID, Brumfiel CM, Patel MH, et al. Evaluation of the Safety of Calcitonin Gene-Related Peptide Antagonists for Migraine Treatment Among Adults With Raynaud Phenomenon. JAMA Netw Open. 2021;4(4):e217934. Published 2021 Apr 1. doi:10.1001/jamanetworkopen.2021.7934