Message clé

  • Une étude française publiée récemment dans le BMJ1 suggère une association entre la prise récente des anti-émétiques anti-dopaminergiques dompéridone, métoclopramide ou métopimazine (non disponible en Belgique) et une hospitalisation pour un premier accident vasculaire cérébral (AVC).1

  • La conception de l’étude observationnelle ne permet pas de conclure s’il y a un lien causal.

  • Poser soigneusement les indications de ces médicaments, certainement chez les patients vulnérables, reste important.

En quoi cette étude est-elle importante ?

Un risque accru d’AVC est décrit avec les antipsychotiques, en particulier chez des patients atteints de démence, au cours des premières semaines après avoir débuté l’antipsychotique (voir « Positionnement » dans le Répertoire 10.2.). Les auteurs de l’étude discutée ici ont étudié si, par analogie avec les antipsychotiques, les antiémétiques structurellement apparentés aux antipsychotiques et comme eux antagonistes dopaminergiques (dompéridone, métoclopramide et métopimazine non disponible en Belgique) augmentent le risque d’AVC chez les adultes sans antécédents d’AVC. Le métoclopramide et la dompéridone sont des médicaments fréquemment utilisés, ce qui renforce l’importance de bien identifier leurs risques.

Protocole de l’étude

Il s’agit d’une étude « case-time-control », réalisée à partir des données de remboursement françaises (période 2012-2016). Dans les deux groupes (cas et témoins, voir « + d’infos), la fréquence de délivrance a été comparée durant la « période de risque » (pendant les 14 jours précédant l’AVC) et pendant trois « périodes de référence » (-70 à -57 jours, -56 à -43 jours, – 42 à -29 jours). Le rapport des odds ratio dans chaque groupe donne le « ratio of adjusted odds ratios ».

  • Les cas (n = 2 612) étaient des adultes qui avaient été hospitalisés pour un premier AVC et qui, pendant les 70 jours précédant cet AVC, avaient reçu un des trois antiémétiques via le système de remboursement, et n’en avaient pas reçu pendant l’année qui précédait cette période de 70 jours.
  • Les témoins (n = 21 859) étaient des personnes qui n’ont pas développé d’AVC pendant la période d’inclusion des cas mais qui présentaient les mêmes caractéristiques de risque d’AVC (hypertension artérielle, fibrillation auriculaire,…).
  • Les patients ayant des antécédents de cancer étaient exclus.

Résultats en bref

Les résultats montrent que le risque d’hospitalisation pour AVC est triplé chez les « cas » par rapport aux « témoins » ;  ratio of adjusted odds ratios = 3,12 (IC à 95% de 2,85 à 3,42). Pour le métoclopramide, le ratio of adjusted odds ratios était de 3,53 (IC à 95% de 2,62 à 4,76), pour la dompéridone il était de 2,51 (IC à 95% de 2,18 à 2,88). Le risque était plus élevé en cas de prise rapprochée de l’antiémétique (dans les 7 jours précédant l’AVC). L’âge (< 70 ans versus > 70 ans), le sexe ou la présence d’une démence n’influençaient pas les résultats.

Commentaires du CBIP

  • Cette étude ne permet que de générer un signal, et ne permet pas d’établir un lien de causalité entre l’antiémétique et l’AVC. En effet, l’étude est basée sur des données de délivrance, collectées rétrospectivement, et non sur des données d’utilisation et on ne connait pas la posologie de l’antiémétique ou l’indication. On ignore aussi si les nausées et vomissements qui ont entraîné l’utilisation d’un antiémétique constituaient des symptômes d’AVC ou si les vomissements ont diminué la compliance à un traitement médicamenteux indiqué pour prévenir un AVC.2

  • Parmi les mécanismes biologiques possibles pour la survenue d’un AVC après utilisation d’antiémétiques antidopaminergiques (métoclopramide, dompéridone), comme c’est également connu avec les antipsychotiques, les auteurs évoquent la possibilité d’une diminution de la perfusion cérébrale.

    L’auteur de l’éditorial2 considère qu’il s’agit d’une hypothèse intéressante car une injection de 10 mg de métoclopramide chez des volontaires sains a montré une diminution de la perfusion cérébrale ; ceci a été aussi observé avec des antipsychotiques chez des volontaires sains et des patients atteints de schizophrénie.
  • L’auteur de l’éditorial2 conclut que les résultats de cette étude ne justifient pas une remise en cause de l’utilisation de ces antiémétiques mais que des études complémentaires devraient être réalisées avec pour objectif d’étudier la causalité, l’incidence, le mécanisme et les facteurs de risque.

  • La dompéridone et le métoclopramide sont des gastroprocinétiques utilisés en cas de  nausées et vomissements d’origines diverses. Le signal provenant de cette étude rappelle encore une fois que les indications de ces médicaments en cas de nausées et vomissements doivent être bien posées (voir « Positionnement » dans le chapitre 3.4. et chapitre 3.4.1.), et qu’il faut tenir compte de leurs effets indésirables déjà connus (entre autres troubles extrapyramidaux et, pour la dompéridone, risque d’allongement de l’intervalle QT).

Sources spécifiques

Bénard-Laribière A, Hucteau E, Debette, S, Kirchgesner J, Bezin J, Pariente A. Risk of first ischaemic stroke and use of antidopaminergic antiemetics: nationwide case-time-control study. BMJ 2022;376:e066192 (doi: 10.1136/bmj‑2021‑066192)
Juurlink DN. Editorial. Antiemetics, stroke, and the limits of observational epidemiology. This association should prompt research, not influence practice. BMJ 2022;377:o924 (doi: 10.1136/bmj.o924)