Il est bien connu que la consommation de tabac accélère le métabolisme de certains médicaments par induction de certains isoenzymes du CYP 450, notamment le CYP1A2. Cette induction enzymatique est produite par la fumée de cigarette (probablement par les hydrocarbures aromatiques polycycliques1), et non par la nicotine. L’induction enzymatique apparaît 2 à 3 semaines après avoir commencé à fumer et disparaît progressivement après avoir arrêté. L’arrêt du tabagisme peut dès lors entraîner une augmentation des concentrations plasmatiques de médicaments métabolisés par le CYP1A2, par arrêt de cet effet inducteur du tabac. En particulier dans le cas des médicaments à marge thérapeutique-toxique étroite, l’arrêt du tabagisme peut entraîner des effets indésirables dus à un surdosage.
Un article récent de La Revue Prescrire2 fait le point sur les médicaments qui nécessitent une attention particulière en cas d’arrêt tabagique. Les médicaments suivants métabolisés par le CYP1A2, sont mentionnés: clozapine, erlotinib, flécaïnide, théophylline, warfarine (tous les 5 ont une marge thérapeutique-toxique étroite), caféine et olanzapine. Avec la clozapine et la warfarine, des effets indésirables consécutifs à un surdosage ont été observés chez des patients qui avaient récemment arrêté de fumer.
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La clozapine a été associée à des cas de parkinsonisme, de convulsions et d’allongement de l’intervalle QT.
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La warfarine a été associée à une augmentation de l’INR (de 2 à 3 vers 3,4 à 5,5), aucune hémorragie n’ayant été rapportée, et l’INR se normalisant après diminution de la dose.
L’article de La Revue Prescrire attire aussi l’attention sur les problèmes qui peuvent apparaître en cas d’arrêt tabagique chez les patients traités à l’halopéridol, la fluvoxamine, l’irinotécan et le riociguat. Ces médicaments ne sont pas métabolisés par le CYP1A2, et le mécanisme d’interaction avec la fumée de cigarette n’est que peu ou pas connu.3
En pratique, il est conseillé de suivre de près, pendant environ un mois, les personnes qui arrêtent de fumer. Ceci est particulièrement recommandé en cas de prise de médicaments métabolisés par le CYP1A2, surtout lorsqu’ils présentent une marge thérapeutique-toxique étroite ou des effets indésirables dose-dépendants potentiellement graves [voir les substrats qui sont mis en gras dans le Tableau Ic dans Intro 6.3.]. Une diminution de la dose peut être nécessaire pour éviter la survenue d’effets indésirables dus à un surdosage. Les substituts nicotiniques et la cigarette électronique1 ne présentent pas d’effet inducteur enzymatique et ne provoquent donc pas ces interactions potentielles.
Sources spécifiques
1 Burger DM. Inloed van roken op farmacokinetiek van medicijnen. Ned Tijdschr Geneeskd. 2017;161:D939
2 Arrêt du tabac : surdose de certains médicaments. La Revue Prescrire 2020;40:830-832
3 Stockley’s Drug Interactions, online via MedicinesComplete® (consulté le 08/01/21)