La canagliflozine est, comme la dapagliflozine et l’empagliflozine, un inhibiteur du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) au niveau rénal. Leur effet hypoglycémiant repose sur une diminution de la réabsorption rénale du glucose provoquant ainsi une glucosurie.
Récemment, une diminution de la mortalité cardio-vasculaire a été constatée avec l’empagliflozine dans l’étude EMPA-REG [voir Folia de novembre 2015 et Folia de février 2017].
Le programme CANVAS
Les résultats du programme CANVAS avec la canagliflozine viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine1. L’objectif du programme CANVAS est d’évaluer l’effet de la canagliflozine sur les complications cardio-vasculaires et rénales du diabète et son innocuité cardio-vasculaire et rénale chez des patients diabétiques avec un risque cardio-vasculaire élevé. Afin d’obtenir un nombre d’évènements suffisant et un pouvoir statistique satisfaisant, le programme CANVAS a regroupé les données de deux études randomisées de durée différente (CANVAS en CANVAS-R)2, ce qui n’est pas une approche conventionnelle.
Effets de la canagliflozine sur les critères d’évaluation cardio-vasculaires
Le critère d’évaluation primaire était un critère combiné de mortalité cardio-vasculaire, d’infarctus du myocarde non fatal et d’accident vasculaire cérébral (AVC) non fatal.
Les résultats indiquent avec la canagliflozine une diminution statistiquement significative de 14% du critère d’évaluation primaire combiné [26,9 évènements/1.000 patients par an (canagliflozine) versus 31,5 évènements/1.000 patients/an (placebo); hazard ratio 0,86 ; IC 95% 0,75 à 0,97]. Le Number Needed to Treat (NNT) était de 217 pour 1 an de traitement c.-à-d. que 217 devaient être traités pendant 1 an pour éviter un évènement cardio-vasculaire supplémentaire. Les résultats ne montrent cependant pas de diminution statistiquement significative des critères d’évaluation mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde non fatal et AVC non fatal évalués séparément (critères d’évaluation secondaires). Les résultats indiquent une diminution du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque [hazard ratio 0,67 ; IC 95% 0,52 à 0,87], mais comme le signalent les investigateurs eux-mêmes, ces résultats doivent être interprétés avec prudence vu le faible nombre d’évènements.
Effets de la canagliflozine sur les critères d’évaluation rénaux
Les résultats concernant les critères d’évaluation rénaux (critères d’évaluation secondaires) indiquent une diminution de la progression de l’albuminurie; hazard ratio 0,73 ; IC 95% 0,67 à 0,79] et de la détérioration de la fonction rénale; hazard ratio 0,60 ; IC 95% 0,47 à 0,77]. Cependant, comme le signalent les investigateurs eux-mêmes, ces résultats doivent aussi être interprétées avec prudence vu le faible nombre d’évènements.
Innocuité de la canagliflozine
Outre les effets indésirables connus des gliflozines (surtout troubles gastro-intestinaux, polyurie, dysurie, infections urogénitales, déshydratation, hypotension), les résultats montrent avec la canagliflozine un risque deux fois plus élevé d’amputation au niveau des membres inférieurs. L’augmentation du risque a été constatée avec la dose de 100 mg et de 300 mg; il n’y avait pas d’effet dépendant de la dose. Le taux d’amputation était de 6,3 amputations/1.000 patients/an (canagliflozine) versus 3,4 amputations/1.000 patients/an (placebo) ce qui correspond à un hazard ratio de 1,97 (IC 95% 1,41 à 2,75) et un Number Needed to Harm (NNH) de 345 ; ceci signifie que sur 345 patients traités pendant 1 an par la canagliflozine, il y avait 1 cas supplémentaire d’amputation par rapport au placebo. Le risque d’amputation était le plus élevé chez les patients avec des antécédents d’amputation ou d’artériopathie périphérique. L’Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis ont publié un avertissement à ce sujet [voir plus loin dans les commentaires du CBIP].
Commentaires du CBIP
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Les résultats du programme CANVAS indiquent un effet bénéfique de la canagliflozine sur certains critères d’évaluation cardio-vasculaires, un effet qui avait aussi été constaté avec l’empagliflozine dans l’étude EMPA-REG. L’interprétation des résultats du programme CANVAS doit toutefois se faire avec prudence étant donné qu’ils ne permettent pas de tirer des conclusions claires quant à un effet sur la mortalité cardio-vasculaire.
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Il faut attirer l’attention sur le fait que les patients inclus dans le programme CANVAS présentaient en moyenne un risque cardio-vasculaire moins élevé par rapport aux patients de l’étude EMPA-REG. Dans le programme CANVAS, 65% des patients avaient des antécédents cardio-vasculaires (prévention secondaire) et 35% présentaient des facteurs de risque cardio-vasculaires (prévention primaire), tandis que l’étude EMPA-REG avait inclus uniquement des patients avec des antécédents cardio-vasculaires (prévention secondaire).
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En ce qui concerne les effets possibles de la canagliflozine sur l’évolution de l’atteinte rénale, la faible proportion de patients présentant une atteinte rénale et le faible nombre d’évènements rapportés ne permettent pas de tirer des conclusions.
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On ne connaît pas le mécanisme à l’origine de l’augmentation du risque d’amputation au niveau des membres inférieurs observée avec la canagliflozine et il n’est pas clair dans quelle mesure il pourrait s’agir d’un effet indésirable de la classe des gliflozines. L’Agence européenne des médicaments (EMA)3 et la Food and Drug Administration aux Etats-Unis (FDA)4 ont publié un avertissement concernant l’augmentation possible du risque d’amputation chez les patients traités par des gliflozines.
En ce qui concerne le risque d’amputation au niveau des membres inférieurs avec la canagliflozine (et les autres gliflozines), le Centre de Pharmacovigilance fait la communication suivante.L’Agence européenne des médicaments (EMA)3 et la Food and Drug Administration aux Etats-Unis (FDA)4 attirent l’attention, sur base des études CANVAS et CANVAS-R, sur la possibilité d’un risque deux fois plus élevé d’amputation au niveau des membres inférieurs chez les patients diabétiques traités par la canagliflozine. Le mécanisme n’est pas clair ; il pourrait peut-être s’expliquer par la déplétion volémique. Outre les facteurs de risque généraux (diabète mal contrôlé, maladie cardio-vasculaire, neuropathie périphérique), aucun autre facteur de risque n’a été mis en évidence.
L’analyse des données se rapportant aux autres gliflozines (y compris l’étude EMPA-REG avec l’empagliflozine) ne montre pas de signal d’un risque accru d’amputation des orteils ou du pied, mais les données sont limitées et ces données n’ont pas été enregistrées systématiquement dans les études. Dans l’attente de plus de données, l’EMA conclut qu’un effet de classe ne peut être exclu. Le risque d’amputation sera donc repris dans les RCP et les notices de toutes les gliflozines.
Dans l’attente de données complémentaires, un certain nombre de mesures de précaution semblent indiquées pour la canagliflozine et les autres gliflozines.
– Les patients traités par une gliflozine doivent être particulièrement attentifs aux soins préventifs des pieds et signaler le plus rapidement possible tout problème au niveau des pieds (ulcération, blessure, infection, douleur, décoloration).
– Avec la canagliflozine, une surveillance plus rapprochée est en outre recommandée chez les patients avec des facteurs de risque d’amputation des orteils (antécédents d’amputation, maladies vasculaires périphériques, neuropathie périphérique) et il convient d’insister auprès de ces patients sur l’importance d’une hydratation adéquate. En outre, il faudra envisager d’interrompre la prise de canagliflozine en cas d’apparition de complications telles que ulcère, infection, ostéomyélite et gangrène au niveau des extrémités. -
En conclusion, les résultats du programme CANVAS indiquent un effet bénéfique de la canagliflozine sur certains critères d’évaluation cardio-vasculaires, un effet qui avait aussi été constaté avec l’empagliflozine dans l’étude EMPA-REG. Bien que ces résultats soient encourageants, ils ne permettent pas de tirer des conclusions quant à une diminution des complications cardio-vasculaires à long terme du diabète. Ces études permettent juste de conclure à l’innocuité cardio-vasculaire des gliflozines chez les patients avec un risque cardio-vasculaire élevé.
Sources spécifiques
1 B. Neal, V. Perkovic, K.W. Mahaffey et al. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. New Engl J Med June 12,2017 (doi: 10.1056/NEJMoa1611925)
2 B. Neal, V. Perkovic, K.W. Mahaffey et al. Optimizing the analysis strategy for the CANVAS program : a prespecified plan for the integrated analyses of the CANVAS and CANVAS-R trials. Diabetes Obes Metab 2017 ; 1-10 (doi: 10.1111/dom.12924)
3 EMA. SGLT2 inhibitors and lower limb amputation (canagliflozin, dapagliflozin, empagliflozin-containing medicines. Via www.ema.europa.eu > Advanced document search > terme de recherche: “SGLT2 inhibitors” (documents du 08/05/2017)
4 FDA. FDA Drug Safety Communication: FDA confirms increased risk of leg and foot amputations with the diabetes medicine canagliflozin (Invokana, Invokamet, Invokamet XR). Communiqué du 16/05/17. Via www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/ucm557507.htm