En Belgique, le finastéride, un inhibiteur de la 5-alpha-réductase, est disponible sous forme de comprimés de 5 mg avec comme indication le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). Le finastéride est aussi utilisé  à faible dose (1 mg par jour) dans le traitement de l’alopécie androgénique chez les hommes. En Belgique, il n’y a pas de spécialités contenant 1 mg de finastéride autorisées et il s’agit d’une utilisation off label sous forme de préparation magistrale. Dans d’autres pays, comme la France, les Pays-Bas et les Etats-Unis, le finastéride 1 mg est autorisé sous forme de spécialité pour le traitement de l’alopécie chez les hommes entre 18 et 41 ans.
 
Il existe déjà depuis longtemps une suspicion d’un risque de dépression et d’actes auto-destructeurs ou self-harm (entre autres tentatives de suicide) avec le finastéride et le dutastéride, un autre inhibiteur de la 5-alpha-réductase, utilisés dans l’HBP. Un risque de dépression n’est pas non plus à exclure en cas d’utilisation du finastéride dans l’alopécie. Pour plus de détails, voir Folia juillet 2017.

Dans cet article, nous rappelons les risques du finastéride à faible dose dans l’alopécie, suite à des publications et décisions récentes.
 

Une étude basée sur des données européennes  montre un signal d’idées suicidaires, de dépression et d’anxiété

Une étude publiée en 20211 basée sur l’analyse des données de pharmacovigilance de l’OMS (base de données des notifications spontanées VigiBase) a montré un signal d’idées suicidaires, de dépression et d’anxiété avec le finastéride utilisé à faible dose pour l’alopécie chez des hommes jeunes (âge compris entre 18 et 44 ans). Ce signal n’a pas été observé lors de son utilisation à dose plus élevée pour le traitement de l’HBP chez des hommes plus âgés. Comme mentionné par les auteurs de l’étude, ceci pourrait entre autres s’expliquer par l’indication (risque de dépression lié à l’alopécie) et par les troubles sexuels pouvant favoriser une dépression chez les sujets jeunes.
Les limitations de cette étude, basée sur des notifications spontanées d’effets indésirables ne permettent pas de prouver un lien de causalité, mais cette étude renforce cependant la suspicion d’un risque.

  • Dans cette étude, on a comparé, dans la base de données de l’OMS, la proportion de rapports de comportement suicidaire (critère d’évaluation primaire : idées suicidaires, tentative de suicide, suicide) ainsi que de dépression et anxiété (critères d’évaluation secondaires) avec le finastéride à faible dose par rapport à la proportion de ces effets indésirables observée avec l’ensemble des autres médicaments repris dans cette base de données (données jusqu’à juin 2019). Cela permet de calculer le « reporting odds ratio » (ROR). Si la valeur inférieure du ROR dans l’IC à 95% est supérieure à 1, on considère qu’il y a un signal de disproportionalité et que l’effet indésirable pourrait être associé à la prise du médicament. L’indication pour le finastéride était l’HBP ou l’alopécie, mais était inconnue dans 32% des cas.
  • Le ROR pour le comportement suicidaire chez les utilisateurs de finastéride était de 1,63 (IC 95% :
    1,47-1,81). L’augmentation était due à un signal d’idées suicidaires: ROR de 4,39 (IC 95% : 3,90-4,95). Il n’y avait pas de signal pour les tentatives de suicide et les suicides.
  • Pour la dépression et l’anxiété (des critères d’évaluation secondaires), on a aussi observé un signal avec le finastéride : ROR : 4,33 (IC 95%  : 4,17-4,49).
  • L’analyse de sensibilité a montré un signal de comportement suicidaire chez les plus jeunes utilisateurs de finastéride (≤ 45 ans) et chez les utilisateurs de finastéride pour alopécie, mais pas chez les patients plus âgés  (> 45 ans) avec HBP. Les notifications ont fortement augmenté après 2012 (lorsqu’il y a eu beaucoup d’attention des médias pour les effets indésirables du finastéride).
  • On n’a pas observé de signal d’idées suicidaires ou de dépression avec le dutastéride, un autre inhibiteur de la 5-alpha-réductase qui est seulement utilisé en cas d’HBP, ni avec la tamsulosine, un alpha-1 bloquant aussi utilisé dans l’HBP.
  • Cette étude présente un certain nombre de limites, notamment du fait que les données sont basées sur des notifications spontanées d’effets indésirables. Cela a pour conséquence un risque de biais de notification, par exemple suite à une médiatisation des risques avec le finastéride, entraînant plus de notifications qu’avec d’autres médicaments.

Aux Etats-Unis, la FDA a décidé d’ajouter dans les notices les idées et comportements suicidaires

Aux Etats-Unis, un groupe de patients (Post Finasteride Syndrome Group) avait déposé en 2021 une plainte contre la Food and Drug Administration (FDA). Ce groupe souhaitait obtenir le retrait de la spécialité à base de finastéride utilisée pour l’alopécie ou tout au moins l’adaptation de la notice américaine pour y ajouter la dépression et le risque suicidaire. La FDA n’a pas accepté le retrait du médicament en raison de preuves insuffisantes d’un lien de causalité, mais a communiqué en juin 2022 son intention d’ajouter les idées suicidaires et le comportement suicidaire dans les notices pour les professionnels de la santé et pour les patients. 2
 

En France, l’agence du médicament renforce l’information sur les effets indésirables

En juillet 2022, l’agence du médicament (ANSM) en France a publié une information à destination du public et des professionnels de la santé et une vidéo pour sensibiliser à la notification des effets indésirables par les patients. 3, 4

En novembre 2022, l’ANSM a demandé aux détenteurs d’autorisations des spécialités à base d’1mg de finastéride qu’un message d’alerte accompagné d’un QR code soit apposé sur les boîtes de ces médicaments.4 Cet avertissement devra apparaître sur les emballages pour fin avril 2023 au plus tard.

Le message sur l’emballage est le suivant: “ATTENTION: ce médicament peut entrainer des effets indésirables, notamment des troubles psychiatriques et/sexuels. Pour en savoir plus sur ces effets indésirables et leur déclaration, consultez la notice et flashez ce QR code. »

Le but est de minimiser les risques d’effets indésirables psychiques (dépression et idées suicidaires) et sexuels (principalement troubles de l’érection et perte de libido).

Les principales recommandations pour les professionnels sont :

  • avant d’initier le traitement, interroger le patient sur ses éventuels antécédents de troubles psychologiques et sexuels.

  • l’inviter à consulter rapidement un médecin s’il présente des effets indésirables.

  • programmer une visite de suivi après 3 mois et ensuite tous les 6 mois pour évaluer la tolérance et la nécessité de poursuivre le traitement.
     

Commentaire du CBIP

  • L’efficacité du finastéride dans l’alopécie androgénique est assez limitée, et l’effet disparaît dans les mois qui suivent l’arrêt du traitement. La recommandation du NHG-Behandelrichtlijn « Alopecia » (2017) souligne la faible qualité des preuves d’efficacité du finastéride dans cette indication et le manque de clarté quant à la pertinence clinique des effets démontrés.

  • De plus, il subsiste des discussions sur la sécurité : des troubles sexuels sont fréquents, et le risque de dépression et d’idées suicidaires ne peut pas être exclu. La gynécomastie et une diminution de la qualité du sperme (réversible après l’arrêt) sont mentionnés dans le RCP et la notice comme effets indésirables possibles. Un lien entre le finastéride et le risque de cancer du sein chez l’homme n’est pas exclu [voir Folia novembre 2010].

  • Le finastéride est tératogène chez les animaux de laboratoire (anomalies de l’appareil génital externe mâle), et on en retrouve de petites quantités dans le sperme en cas d’utilisation d’une dose de 5 mg par jour. Par précaution, certaines sources recommandent donc que les hommes utilisent un préservatif en cas de relation sexuelle avec une femme enceinte ou en âge de procréer. Dans le NHG-Behandelrichtlijn « Alopecia » (2017), l’utilisation d’un préservatif n’est recommandée qu’en cas de traitement par le finastéride à 5 mg par jour, pas en cas de traitement à 1 mg par jour. Le Lareb (Pays-Bas) et Le Crat (France) concluent que la quantité de finastéride dans le sperme est si faible que l’utilisation d’un préservatif n’est obligatoire pour aucune dose. Les femmes enceintes ne peuvent pas manipuler des médicaments à base de finastéride.

  • Si l’on décide de prescrire le finastéride pour l’alopécie, il faut peser les risques et les bénéfices, certainement en cas d’antécédents de dépression, de troubles sexuels, ou en cas de désir d’enfant.

Sources spécifiques

Nguyen D-D, Marchese M, Cone EB et al. Investigation of Suicidality and Psychological adverse events in patients treated with finasteride. JAMA Dermatology. 2021; 157: 35-42 (doi: 10.1001/jamadermatol.2020.3385)
FDA to keep Propecia on the market with updated warnings, FDA News, 14/06/22.
3 Finastéride 1 mg en traitement de la chute des cheveux à un stade peu avancé : un dossier d’information et une vidéo pour aider à la déclaration des effets indésirables. ANSM (gepubliceerd op 06/07/22, bijgewerkt op 25/07/22).
4 Finastéride 1 mg (Propecia et génériques) : ajout de mentions d’alerte sur les boîtes pour renforcer l’information sur les effets indésirables. ANSM (publié le 30/11/22).