Les autorités de santé ont déjà averti du risque de dépression respiratoire avec la prégabaline et la gabapentine, chez les patients ayant des facteurs de risque, tels que affections respiratoires ou neurologiques, insuffisance rénale, utilisation concomitante d’autres médicaments provoquant une dépression respiratoire, ainsi qu’un âge avancé [voir Folia février 2020]. Le risque est mentionné dans le RCP.

Une étude de cohorte rétrospective effectuée chez des patients avec BPCO, publiée récemment, renforce ces avertissements.1 L’étude a étudié le risque d’exacerbations sévères de la BPCO (définies comme des exacerbations ayant nécessité une hospitalisation) après le début de la prise de prégabaline ou gabapentine par rapport à des patients chez qui un traitement par un de ces deux médicaments n’avait pas été initié (groupe témoin). Le suivi moyen était de 1,5 à 1,6 an et la durée moyenne du traitement était de 0,5 à 0,6 an, selon l’indication. L’étude a montré un risque accru d’exacerbations sévères chez les patients atteints de BPCO chez qui un traitement par la gabapentine ou la prégabaline a été initié, par rapport au groupe témoin.

  • Pour l’ensemble des indications (épilepsie, douleur neuropathique ou autres douleurs chroniques) : augmentation du risque d’exacerbations sévères de la BPCO d’environ 40%: hazard ratio (HR) de 1,39 (IC 95% : 1,29-1,50); nombre d’exacerbations sévères par 100 personnes par an: 15 dans le groupe gabapentine ou prégabaline versus 8 dans le groupe témoin.

  • Pour l’épilepsie, HR de 1,58 (IC 95% : 1,08-2,30).

  • Pour les douleurs neuropathiques, HR de 1,35 (IC 95% : 1,24-1,48)

  • Pour les autres douleurs chroniques, HR de 1,49 (IC 95% : 1,27-1,73).

L’augmentation du risque apparaissait rapidement après le début de la prise de gabapentine ou prégabaline et était la plus importante après environ six mois d’utilisation ininterrompue. Le risque n’était pas influencé par des facteurs tels que l’âge, le sexe, la sévérité de la BPCO ou l’utilisation d’opioïdes ou de benzodiazépines.

  • Les patients suivis dans l’étude ont été sélectionnés à partir de 3 bases de données de santé québécoises reprenant les données d’assurance maladie.
  • Les patients âgés d’au moins 55 ans ayant reçu, à au moins deux dates différentes entre 1994 et 2015, au moins trois prescriptions d’un bêta-2 mimétique à longue durée d’action (LABA), d’un anticholinergique à longue durée d’action (LAMA), ou d’une combinaison LABA-LAMA ou LABA-corticoïde inhalé, ont été sélectionnés.
  • Les patients ont ensuite été répartis entre ceux qui ont démarré un nouveau traitement par la gabapentine ou la prégabaline pour épilepsie, douleurs neuropathiques ou autres douleurs chroniques (n=13 504), et ceux présentant une de ces trois affections mais chez qui un traitement par un de ces deux médicaments n’a pas été initié (groupe témoin, n=13 504).
  • On a comparé l’incidence des exacerbations sévères de BPCO dans les deux groupes.

Commentaire du CBIP

  • Il s’agit d’une étude observationnelle, pour laquelle des biais et des variables confondantes ne peuvent être exclus. L’étude ne donne pas d’information concernant la posologie, ce qui constitue une limitation. Néanmoins cette étude renforce les indices précédentes de problèmes respiratoires graves chez les patients qui utilisent la gabapentine ou la prégabaline. L’étude montre que le risque chez les patients avec BPCO est indépendant de l’indication. Le risque était la plus importante après environ six mois d’utilisation ininterrompue. Il reste donc important d’évaluer régulièrement si le traitement par la prégabaline ou la gabapentine est encore nécessaire.

  • Les auteurs de l’étude demandent que les recommandations internationales concernant la prise en charge de la BPCO et la prise en charge de la douleur neuropathique mentionnent les effets respiratoires négatifs de la gabapentine et de la prégabaline, afin que les prescripteurs tiennent compte du risque chez les patients ayant une BPCO.

  • La gabapentine et la prégabaline sont autorisées pour le traitement de l’épilepsie et des douleurs neuropathiques. Dans le RCP de la prégabaline, le trouble anxieux généralisé figure également parmi les indications. Ces deux médicaments sont de plus en plus souvent utilisés off-label dans les douleurs chroniques non neuropathiques, comme les douleurs lombaires chroniques et radiculaires, bien que leur efficacité dans ces indications ne soit pas prouvée [voir Folia février 2018 et février 2020]. Les auteurs de l’étude soulignent une augmentation de l’utilisation en Amérique du Nord et en Europe de la gabapentine et de la prégabaline, liée en partie à une augmentation de leur utilisation off-label. L’absence de preuves d’efficacité, les effets indésirables parfois graves et le risque d’abus et de dépendance (voir Folia février 2020 et décembre 2021), confirment que la prégabaline et la gabapentine ont une balance bénéfice/risque défavorable dans ces indications off-label (voir chapitres Gabapentine 10.7.2.2. et Prégabaline 10.7.2.3.).

Noms de spécialités :

  • Gabapentine : Gabapentin(e), Neurontin (voir Répertoire)

  • Prégabaline : Lyrica®, Pregabalin(e) (voir Répertoire)

Source spécifique

Rahman AA, Dell’Aniello S, Moodie EEM et al. Gabapentinoids and risk for severe exacerbation in chronic obstructive pulmonary disease. Ann Intern Med 2024 (doi: 10.7326/M23-0849). Bespreking in La Revue Prescrire [2024;44:432, juin 2024] en in British Medical Journal [2024;384:q103]