Nouveautés en médecine spécialisée
    • ibuprofène par voie intraveineuse
    • reslizumab
    • vortioxétine
 Suppressions
    • cinchocaïne + diphenhydramine + nicotinamide crème
    • enfurvitide
    • éthylmorphine + guaïfénésine

▼: médicaments soumis à une surveillance particulière et pour lesquels la notification d’effets indésirables au Centre Belge de Pharmacovigilance est encouragée (entre autres médicaments contenant un nouveau principe actif, médicaments biologiques).

 Nouveautés en médecine spécialisée

ibuprofène IV (Ibuprofen B. Braun®)

Positionnement et avis du CBIP. L’ibuprofène est maintenant aussi commercialisé sous forme de solution pour administration par voie intraveineuse (IV) (Ibuprofen B. Braun®chapitre 9.1.1.2) dans la douleur modérée aiguë si d’autres voies d’administration ne sont pas possibles. Par rapport au paracétamol ou au kétorolac par voie intraveineuse, l’ibuprofène semble agir plus rapidement. Ses effets indésirables sont similaires au kétorolac. L’administration parentérale d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) a une place limitée, principalement dans la douleur post-opératoire et la colique néphrétique.

Indication selon le RCP L’ibuprofène par voie intraveineuse a pour indication « le traitement symptomatique à court terme de la douleur modérée aiguë chez l’adulte si l’administration par voie intraveineuse est cliniquement justifiée, lorsque les autres voies d’administration ne sont pas possibles”.

Efficacité1-7

L’ibuprofène IV a été comparé au paracétamol IV et au kétorolac IV dans quelques petites études dans la colique néphrétique et en périopératoire. Dans ces indications, l’ibuprofène a agi plus rapidement que le paracétamol et le kétorolac. Parmi ces études, certaines ont montré que la supériorité de l’ibuprofène se maintenait dans le temps (jusqu’à 12h). En périopératoire, l’ibuprofène a permis de diminuer le recours à une médication de secours par rapport au paracétamol et au kétorolac.

Innocuité

  • Les contre-indications, effets indésirables et interactions médicamenteuses attendus sont ceux des AINS (voir chapitre 9.1.). En particulier, la prudence est conseillée chez les personnes âgées et en cas d’insuffisance rénale légère ou modérée (réduction de la dose); l’ibuprofène IV est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère. Il faut veiller à une hydratation correcte du patient.8

  • Dans les études comparatives avec le kétorolac, le taux d’effets indésirables était similaire. 1,2

Posologie. 600 mg IV toutes les 6 à 8 heures.

Coût. 3,7 € pour un flacon de 600mg, non remboursé (situation au 1er avril 2019).

reslizumab (Cinqaero®)

Positionnement et avis du CBIP. Le reslizumab (Cinqaero®, ▼ chapitre 4.1.10) est, comme le mépolizumab, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’interleukine-5. Le reslizumab est, comme le mépolizumab et le benralizumab, utilisé dans l’asthme sévère persistant avec un taux élevé d’éosinophiles chez les adultes qui ne répondent pas à un traitement d’entretien classique à doses élevées. Chez des patients présentant un asthme à éosinophiles sévère, il ne présente qu’une efficacité modeste sur les exacerbations de l’asthme et n’a pas été comparé aux autres traitements dans cette indication. Son profil d’effets indésirables est encore mal connu et un risque de cancers n’est pas exclu. Compte tenu des incertitudes concernant son efficacité et sa sécurité à long terme et de son coût très élevé, la place du reslizumab dans le traitement de l’asthme semble être très limitée.

Innocuité

  • L’effet indésirable le plus fréquent est une augmentation transitoire des CPK. Des myalgies et réactions d’hypersensibilité jusqu’au choc anaphylactique peuvent survenir. Des cancers ont été décrits, principalement cutanés, déjà après 6 mois de traitement; un lien de causalité n’est à ce jour ni exclu ni prouvé. On ne dispose pas de données au-delà de 52 semaines de suivi. La Food and Drug Administration américaine (FDA) estime que le rapportage des effets indésirables avec le reslizumab manque de rigueur et de précision, avec comme conséquence une possible sous-estimation des effets indésirables.

  • Il n’y a pas d’adaptation de posologie à prévoir en cas d’insuffisance rénale ou hépatique ni chez les personnes âgées.

  • Le risque d’interactions médicamenteuses semble limité. 9-12

Coût. Environ 1000€/mois remboursé en  

vortioxétine (Brintellix®)

Positionnement et avis du CBIP. La vortioxétine (Brintellix®▼ chapitre 10.3.5.) est un antidépresseur au mécanisme d’action « multimodal ». Il ne présente pas de plus-value démontrée par rapport aux autres antidépresseurs, et son profil de sécurité à long terme n’est pas connu. En cas de dépression modérée à sévère , les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS) ou les antidépresseurs tricycliques (ATC) sont le premier choix médicamenteux (voir aussi Folia juillet 2018). Si la première option n’est pas suffisamment efficace ou est mal tolérée,  des alternatives mieux étudiées que la vortioxétine sont à envisager. Son coût, entièrement à charge du patient (au 1er avril 2019), est nettement plus élevé que la majorité des antidépresseurs.

La vortioxétine est un nouvel antidépresseur dont le mécanisme d’action n’est pas précisément connu. Il modulerait l’activité des récepteurs de la sérotonine et inhiberait son transporteur. Il modulerait aussi l’activité d’autres neurotransmetteurs. Il présente une activité principalement sérotoninergique, ce qui l’apparente aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS).

Indication selon le RCP: “traitement des épisodes dépressifs majeurs de l’adulte”.

Efficacité

  • La vortioxétine est globalement plus efficace que le placebo dans des études majoritairement à court terme (6-8 semaines).

  • Elle n’a pas été comparée directement aux ISRS ou aux ATC, qui sont recommandés en première intention dans la dépression majeure. Des comparaisons directes et indirectes ne montrent pas de plus-value par rapport aux antidépresseurs utilisés habituellement.

– La vortioxétine a été comparée directement à l’agomélatine et semble plus efficace et mieux tolérée. Elle a aussi comparée à la venlafaxine et a été démontrée non-inférieure.13
– Des comparaisons indirectes ont été faites avec la venlafaxine, le citalopram, l’escitalopram, la duloxétine, le bupropion et la sertraline, sans différence démontrée sur le taux de rémissions. 13,14
– Une revue systématique de 2017 (Cochrane Review) a trouvé 7 études versus Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de Noradrénaline (ISRN) qui n’ont pas montré de différence sur le taux de réponse, de rémission ou le taux d’arrêt de traitement. La vortioxétine était moins efficace que la duloxétine mais mieux tolérée. Ces preuves sont de très faible qualité. 15,16
– Une étude versus placebo et duloxétine a montré une amélioration non cliniquement pertinente sur un score cognitif : sur un score de départ de 43, la vortioxétine n’a amélioré le score que de 1,7 point versus placebo et 0,5 point par rapport à la duloxétine.13,17
  • La Haute Autorité de Santé française (HAS) a conclu à  une absence d’amélioration du service médical rendu.19

  • Le National Institute for Health and Care Excellence britannique (NICE) positionne la vortioxétine comme alternative possible après l’échec de 2 autres antidépresseurs. 14

Innocuité

  • Le profil d’effets indésirables de la vortioxétine est similaire à celui des ISRS. Les effets indésirables les plus fréquents sont les troubles gastro-intestinaux (très fréquents) et neuropsychiques. Les études ne donnent pas d’indications sur la sécurité à long terme. Les patients à haut risque suicidaire ont été exclus des essais cliniques, le risque suicidaire n’est donc pas connu pour cette molécule (voir aussi Répertoire 10.3.].

Les arrêts de traitement sont dans les études de 20 à 40% respectivement à 8 et 24 semaines, principalement en raison de nausées.
Des comparaisons indirectes avec la sertraline, la venlafaxine et le bupropion montrent moins d’arrêt de traitement pour effets indésirables avec la vortioxétine.
  • Il existe un risque d’addition d’effets sérotoninergiques en cas de prise simultanée, entre-autres, de ISRS, triptans ou tramadol (voir Répertoire Intro 6.2.4. Syndrome sérotoninergique).  L’association avec des IMAO ou des inhibiteurs sélectifs de la MOA-A est contre-indiquée.

  • La prudence est conseillée en cas d’insuffisance rénale ou hépatique sévère, et chez les personnes âgées.

  • La vortioxétine est principalement métabolisée par le CYP2D6. De plus faibles doses sont à prévoir en cas de prise concomitante d’inhibiteurs du CYP2D6 (voir Répertoire Tableau Ic).

  • La vortioxétine a une longue demi-vie d’élimination (66h) qui peut compliquer la prise en charge d’effets indésirables éventuels ou le passage vers un autre antidépresseur. 19

  • Selon le RCP, la vortioxétine peut être arrêtée brutalement (voir aussi Folia avril 2019 « Arrêt des antidépresseurs »). 20

Posologie. 10 mg 1x p.j.

Coût.  40€/mois pour la posologie conseillée, non remboursé (situation au 1er avril 2019).

 Suppressions

cinchocaïne + diphenhydramine + nicotinamide crème (Trihistalex®)

La spécialité Trihistalex® (chapitre 15.3.) est retirée du marché. Il s’agissait d’une association à base d’antihistaminique utilisée comme antiprurigineux pour application cutanée. D’une manière générale, l’usage d’antiprurigineux à usage cutané est déconseillée en raison d’un risque de réaction allergique ou phototoxique. En cas de prurit, il convient de traiter la cause initiale.

enfurvitide (Fuzeon®)

L’enfurvitide (Fuzeon®, chapitre 11.4.3.3.) est un inhibiteur de fusion utilisé dans le traitement de l’infection à VIH. Il a été retiré du marché en avril 2019.

éthylmorphine + guaïfénésine (Baume Pulmonaire®)

La spécialité à base d’un antitussif et d’un expectorant Baume Pulmonaire® (chapitre 4.2.3) est retirée du marché. Dans la toux, une médication n’est pas nécessaire.  Les antitussifs et expectorants ne sont pas efficaces et peuvent présenter des effets indésirables graves. Leur emploi est déconseillé et ils sont contre-indiqués chez les enfants de moins de 6 ans (voir aussi Répertoire 4.2).

Sources spécifiques

1 M. Forouzanfar et al. Comparison of Intravenous Ibuprofen with Intravenous Ketorolac in Renal Colic Pain Management; A Clinical Trial. Anesth Pain Med. 2019 February; 9(1):e86963.
2 Uribe AA et al. Comparing the Efficacy of IV Ibuprofen and Ketorolac in the Management of Postoperative Pain Following Arthroscopic Knee Surgery. A Randomized Double-Blind Active Comparator Pilot Study. Front. Surg. 5:59. doi: 10.3389/fsurg.2018.00059
3 Cenker E. et al. Intravenous paracetamol vs ibuprofen in renal colic: a randomised, double-blind, controlled clinical trial. Urolithiasis. 2018 Aug;46(4):369-373. doi: 10.1007/s00240-017-0997-7.
4 Çelik EC. The comparison of single-dose preemptive intravenous ibuprofen and paracetamol on postoperative pain scores and opioid consumption after open septorhinoplasty: a randomized controlled study. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2018 Sep;275(9):2259-2263. doi: 10.1007/s00405-018-5065-6.
5 Viswanath A. Does Pre-Emptive Administration of Intravenous Ibuprofen (Caldolor) or Intravenous Acetaminophen (Ofirmev) Reduce Postoperative Pain and Subsequent Narcotic Consumption After Third Molar Surgery? J Oral Maxillofac Surg. 2019 Feb;77(2):262-270. doi: 10.1016/j.joms.2018.09.010.
6 Ciftci B. et al. Comparison of Intravenous Ibuprofen and Paracetamol for Postoperative Pain Management after Laparoscopic Sleeve Gastrectomy. A Randomized Controlled Study. Obesity Surgery March 2019, Volume 29, Issue 3, pp 765–770
7 Erdogan Kayhan et al. Comparison of intravenous ibuprofen and acetaminophen for postoperative multimodal pain management in bariatric surgery: A randomized controlled trial. J Clin Anesth. 2018 Nov;50:5-11. doi: 10.1016/j.jclinane.2018.06.030.
8 Ibuprofen B. Braun ®, RCP
9 Anti-IL-5 therapies for asthma DTB 2017;55:135
10 Reslizumab (Cinqaero®) dans l’asthme sévère : un « mab » de plus, avec une efficacité trop modeste. La Revue Prescrire, décembre 2017 ; 37 : 893-5
11 Cinqaero®, RCP
12 Cinqaero®, EPAR, https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/cinqaero-epar-public-assessment-report_en.pdf
13 What role for ▼vortioxetine? DTB 2016;54:30-33
14 Vortioxetine for treating major depressive episodes, NICE 2015, www.nice.org.uk/guidance/ta367
15 ▼ Vortioxetine for acute depression in adults DTB 2017;55:99.
16 Koesters M, Ostuzzi G, Guaiana G, Breilmann J, Barbui C., Vortioxetine for depression in adults. Cochrane Database of Systematic Reviews 2017, Issue 7. Art. No.: CD011520. DOI: 10.1002/14651858.CD011520.pub2.
17 Vortioxetine May Have Specific Cognitive-Enhancing Effects in Depression. Peter Roy-Byrne, MD reviewing Mahableshwarkar AR et al. Neuropsychopharmacology 2015 Apr 1
18 Commercialisation effective, La Revue Prescrire, mei 2016, 36 (391), 341
19 Vortioxétine (Brintellix®), un antidépresseur proche des IRS, sans progrès. La Revue Prescrire, septembre 2015, 35 (383), 646-7
20 Brintellix®, RCP