L’autorisation début juin par la FDA, l’Agence américaine des médicaments, du nouveau médicament contre l’Alzheimer aducanumab (un anticorps monoclonal dirigé contre la β-amyloïde) est controversée. Cette autorisation est fondée sur des données de qualité méthodologique douteuse et va à l’encontre de l’avis de son propre panel d’experts. Une demande auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA) est toujours en cours.

Le CBIP est d’avis que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir le profil d’efficacité, le public cible, le profil d’innocuité et le rapport coût-efficacité de l’aducanumab. Le fait qu’aucune réponse substantielle à la maladie d’Alzheimer n’a été trouvée jusqu’à ce jour par la médecine n’est pas un argument pour sauter ces étapes de la recherche.

Au début du mois de juin 2021, divers médias rapportaient avec enthousiasme l’autorisation d’un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer par la FDA, l’Agence américaine des médicaments. Le médicament en question, l’aducanumab, est un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine β-amyloïde. L’aducanumab ralentirait la progression de la maladie, mais ne peut pas la guérir.

L’autorisation par la FDA américaine s’est faite par le biais d’une « procédure accélérée », prévue pour les médicaments dont l’efficacité est encore incertaine, mais dont on pense qu’ils sont susceptibles d’apporter un bénéfice thérapeutique significatif par rapport aux traitements actuellement disponibles. L’autorisation de l’aducanumab est toutefois controversée et a été donnée par la FDA contre l’avis de son propre panel d’experts.

Plusieurs commentaires et avis intéressants ont déjà été publiés dans le BMJ1, le JAMA2 et le Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde3. Voici les principales critiques:

  • Les données sur lesquelles s’appuie le dossier d’évaluation proviennent d’analyses a posteriori (en sous-groupes) de 2 études cliniques qui n’ont pas encore été publiées et dont les résultats sont contradictoires. Ces études avaient été arrêtées prématurément en raison de leur futilité (c’est-à-dire que l’on estimait à ce moment-là qu’il était peu probable que l’étude aboutisse à des résultats positifs sur le critère d’évaluation primaire). Le risque de biais est très élevé avec ce genre de données, qui peuvent tout au plus être considérées comme génératrices d’hypothèses.

  • On doute de la pertinence clinique de l’effet observé sur le score du Clinical Dementia Rating-Sum of Boxes (0,39 point sur une échelle de 0 à 18, alors qu’habituellement, le seuil de pertinence clinique est fixé à 1 voire 2 points).

  • Des anomalies cérébrales potentiellement graves (microhémorragies, lésions de la substance blanche, œdème cérébral vasogénique) ont été observées sur les scanners cérébraux de plus d’un tiers des patients traités par l’aducanumab à forte dose ; dans le groupe placebo, ces anomalies ont été observées chez seulement 2,7% des patients.

  • On s’accorde de plus en plus à dire que, outre la « cascade amyloïde », d’autres mécanismes jouent un rôle dans le développement de la démence d’Alzheimer. Ces dernières années, d’autres médicaments ont été développés qui, tout comme l’aducanumab, s’avéraient capables de réduire l’accumulation de β-amyloïde dans le cerveau. Mais aucun de ces médicaments n’a finalement abouti à des résultats positifs significatifs sur des critères d’évaluation cliniques. Il n’y a aucun argument plausible pour affirmer qu’il en irait autrement avec l’aducanumab, qui lui aussi cible exclusivement la voie amyloïdogène.

Le fabricant a également introduit une demande auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), mais l’évaluation est toujours en cours.

Même une fois autorisé, d’autres aspects sont à prendre en compte, qui pourraient tempérer l’enthousiasme : la population cible limitée (bien que la FDA n’ait formulé aucune restriction dans son AMM à ce sujet, l’aducanumab n’a été étudié que chez des patients dans une phase (très) précoce de la maladie d’Alzheimer), la voie d’administration intraveineuse (qui entraîne des objections pratiques et des coûts supplémentaires) et surtout le coût élevé (le coût annuel aux États-Unis est estimé à 56 000 USD, soit l’équivalent de 46 000 €).

Selon l’avis du CBIP, qui rejoint les critiques mentionnées ci-dessus, l’efficacité, le groupe cible, l’innocuité et le rapport coût-efficacité de l’aducanumab n’ont pas été suffisamment démontrés à l’heure actuelle. Pour ce faire, les résultats des études déjà réalisées doivent être publiés dans leur intégralité, et de nouvelles études complémentaires doivent être réalisées. Le fait que la médecine n’a trouvé jusqu’à présent aucune réponse substantielle à la maladie d’Alzheimer n’est pas un argument pour exposer les patients à des traitements qui ont une efficacité douteuse et des effets indésirables potentiellement graves, et qui menacent en outre d’absorber une part inacceptable des budgets de santé de plus en plus serrés.
 

Sources spécifiques

Mahase E. FDA approves controversial Alzheimer’s drug despite uncertainty over effectiveness. BMJ. 2021:373:n1462. doi: 10.1136/bmj.n1462
Alexander GC, Emerson S, Kesselheim AS. Evaluation of aducanumab for Alzheimer disease. Scientific evidence and regulatory review involving efficacy, safety and futility. JAMA. 2021;325:1717-18. doi: 10.1001/jama.2021.3854
3 du Perron L. FDA laat aducanumab toch toe op de Amerikaanse markt. Ned Tijdschr Geneeskd. 2021;165:C4910. https://www.ntvg.nl/artikelen/nieuws/fda-laat-aducanumab-toch-toe-op-amerikaanse-markt