Le benralizumab (Fasenra®, chapitre 12.3.2.2.3, administration sous-cutanée) est un anticorps monoclonal dirigé contre les récepteurs α de l’interleukine 5 (IL-5) qui a été commercialisé pour le traitement de l’asthme sévère à éosinophiles non contrôlé malgré un corticostéroïde inhalé (CSI) à dose élevée associé à un β2-mimétique à longue durée d’action (long-acting β2-agonist : LABA) (synthèse du RCP).
Il s’administre par voie sous-cutanée, toutes les 4 semaines pour les 3 premières doses, ensuite toutes les 8 semaines.
Il n’a pas reçu de nouvelle indication depuis sa commercialisation.
Des études ont été publiées dans la BPCO et d’autres pathologies liées à une éosinophilie telles que l’oesophagite à éosinophiles et la granulomatose éosinophilique avec polyangéite. Ces indications n’ont pas encore été approuvées par l’EMA (situation au 18 juin 2024).

Conclusion du CBIP, 5 ans après commercialisation
Des données récentes confirment l’efficacité du benralizumab pour diminuer les exacerbations et le traitement de fond par CSI + LABA ou corticostéroïdes oraux (CSO) dans une population asthmatique spécifique et limitée. L’éventuelle diminution du traitement de fond par CSI + LABA est à mettre en balance avec le risque possible d’une détérioration de l’asthme à plus long terme, les CSI constituant la base du traitement. Il faut aussi tenir compte du profil d’innocuité du benralizumab qui peut entraîner des effets indésirables rares mais sévères, et de son coût beaucoup plus élevé que celui des associations CSI + LABA.

Le point sur l’efficacité dans l’asthme et les effets indésirables

Efficacité

De nouvelles études ont été publiées concernant l’efficacité à plus long terme, l’effet de l’utilisation du benralizumab sur la diminution des corticostéroïdes oraux (CSO) et sur la diminution du traitement de fond par CSI + LABA. Une Cochrane Review sur les anti IL-5 dans l’asthme a également été mise à jour.

  • Etude à long terme (MELTEMI) : étude d’extension en open label qui montre un maintien de l’efficacité du benralizumab à 3,4 ans chez des patients avec un asthme sévère sous CSI + LABA avec ou sans autre traitement de fond (taux d’exacerbations par année 0,47, par rapport à 0,48 à 0,65 dans les études à court terme).1

  • Etude sur la diminution des CSO (PONENTE) : étude à un seul bras en open label jusqu’à 32 semaines qui montre un bon contrôle de l’asthme chez des patients avec asthme sévère à éosinophiles dépendants aux CSO chez qui on a diminué ou arrêté le CSO. 63% des patients ont pu arrêter le CSO, 82% ont pu le réduire fortement. Le taux d’exacerbation par année était similaire à celui rapporté dans les autres études sur le benralizumab.1

  • Etude sur la diminution des CSI (SHAMAL) : étude en open label à 48 semaines chez des adultes avec asthme à éosinophiles sévère bien contrôlés sous benralizumab et haute dose de CSI + formotérol. La bithérapie CSI + formotérol a été diminuée jusqu’à la garder uniquement comme traitement à la demande si possible. Par rapport au groupe qui a maintenu la bithérapie CSI + formotérol à dose élevée, le groupe qui l’a diminuée n’a pas présenté plus d’exacerbations. 92% des patients ont pu réduire leur dose de CSI + formotérol : 15% sont arrivés à une dose moyenne, 17% à une dose faible, et 61% à une utilisation à la demande. A 48 semaines, cette réduction était toujours  maintenue. 91% des personnes dans le groupe « réduction » n’ont présenté aucune exacerbation.2
    Selon un commentaire de l’ACP Journal Club, bien que les critères cliniques rapportés par les patients n’indiquent pas de perte d’efficacité dans le groupe « réduction », les mesures de l’inflammation liée à l’asthme (FeNO et VEMS) étaient plus mauvaises dans ce groupe par rapport au groupe qui a maintenu une utilisation de dose élevée de la bithérapie. On ne sait pas si cela indique à terme un risque d’aggravation de l’asthme.3

  • Cochrane Review Farne 2022 : confirmation de l’efficacité des anti IL-5 (dont le benralizumab) dans l’asthme sévère à éosinophiles avec une diminution de moitié des exacerbations par rapport au placebo, mais avec des preuves limitées sur la qualité de vie dans des études à 56 semaines maximum.4

Innocuité

  • Le dossier de l’EMA mentionne deux études ayant évalué la sécurité à 3 ans du benralizumab (études BORA et MELTEMI), qui ont amené à :

    • Lever les réserves quant au risque de réactions d’hypersensibilité sévères.

    • Lever les réserves concernant une perte d’efficacité à long terme à cause du développement d’anticorps contre le benralizumab.

    • Modifier la qualification du risque d’infection par des helminthes de « risque identifié » à « risque potentiel ».1

  • La Cochrane Review Farne 2022 mentionne que le nombre d’effets indésirables significatifs ayant entraîné l’arrêt du traitement par benralizumab était deux fois plus élevé dans le groupe benralizumab que dans le groupe placebo, ce qui n’était pas le cas pour le mépolizumab et le reslizumab (deux autres anti IL-5 au mécanisme d’action légèrement différent). Ceci mérite selon les auteurs plus d’investigations.4

Position des guidelines

  • Selon le NICE 2019 et GINA 2024, le benralizumab, comme les autres traitements biologiques, peut être envisagé chez des patients avec asthme sévère à éosinophiles, malgré un traitement optimal par CSI + LABA (haute dose si nécessaire) ou sous traitement de fond par CSO.5,6

  • Le NICE précise que la nécessité d’un traitement par inhibiteurs de l’IL-5 est limitée quand les patients sont pris en charge dans des centres spécialisés et que leur traitement de fond par CSI+LABA est optimisé.5

  • Selon GINA 2024, les facteurs prédictifs d’une bonne réponse aux inhibiteurs de l’IL-5 sont une éosinophilie élevée et un nombre élevé d’exacerbations dans l’année précédente. Le guideline estime qu’il peut être donné à partir de l’âge de 12 ans (usage off-label en dessous de 18 ans).6

Positionnement et avis du CBIP

  • Les données actuelles confirment l’efficacité du benralizumab pour une population asthmatique limitée : les personnes avec asthme à éosinophiles sévère non contrôlés sous traitement optimal par CSI + LABA. Il permet de diminuer les exacerbations et les doses de corticostéroïdes oraux et inhalés.

  • Des données montrent qu’une diminution du traitement de fond par CSI + LABA est possible. Jusqu’à ce jour, les CSI constituent la pierre angulaire du traitement de l’asthme. On ne sait pas si leur diminution voire leur arrêt risque d’avoir à terme un effet négatif sur le contrôle de l’asthme.

  • De plus, le profil de sécurité des CSI + LABA à long terme est bien connu et plutôt sûr. Ce qui n’est pas le cas du benralizumab, qui peut provoquer des réactions peu fréquentes mais sévères de type hypersensibilité retardée.

  • Un traitement par benralizumab est beaucoup plus coûteux pour la société que les associations CSI + LABA : 2 420€ pour 2 mois de traitement versus environ 60€ pour les CSI + LABA.

Sources

Fasenra-Procedural steps taken and scientific information after authorization-update 13/02/2024-EMA.
Jackson DJ, Heaney LG, Humbert M, et al; SHAMAL Investigators. Reduction of daily maintenance inhaled corticosteroids in patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab (SHAMAL): a randomised, multicentre, open-label, phase 4 study. Lancet. 2024;403:271-281. 38071986.
3 In severe eosinophilic asthma controlled with benralizumab, tapering high-dose ICS reduced dose while maintaining control. ACP Journal Club 2 April 2024. doi:10.7326/J24-0014.
4 Farne_HA, Wilson_A, Milan_S, Bancho__E, Yang_F, Powell_CVE. Anti-IL-5 therapies for asthma. Cochrane Database of Systematic Reviews 2022, Issue 7. Art. No.: CD010834. DOI: 10.1002/14651858.CD010834.pub4.
5 https://www.nice.org.uk/guidance/TA565/chapter/1-Recommendations

6 Global Strategy for Asthma Management and Prevention update 2024. GINA.