Dans les Folia de novembre 2002, nous avons publié un article intitulé « Thérapeutique hormonale de substitution: l’effet cardioprotecteur n’est pas une indication » dans lequel sont discutés les résultats de l’étude Women’s Health Initiative. Pour rappel, l’étude Women’s Health Initiative est une étude randomisée contrôlée par placebo ayant inclus plus de 16.000 femmes ménopausées (âge moyen de 63 ans), qui a été interrompue prématurément en raison d’un risque accru de cancer du sein invasif et d’accidents coronariens chez les patientes qui recevaient un traitement hormonal de substitution [voir Folia de novembre 2002 et d’octobre 2003].Depuis la publication de l’étude Women’s Health Initiative, la balance bénéfices-risques du traitement hormonal de substitution fait encore toujours l’objet de beaucoup d’attention et de discussions. En effet, les résultats de cette étude contrastent avec ceux d’études d’observation antérieures qui suggéraient quant à elles un effet cardioprotecteur. Une des hypothèses  avancées est que les différences observées entre les études randomisées et certaines études d’observation en ce qui concerne le risque cardio-vasculaire pourraient s’expliquer par le délai avec lequel le traitement hormonal de substitution est instauré après le début de la ménopause (« timing hypothesis »): lorsqu’un traitement hormonal de substitution est instauré autour de la ménopause ou rapidement après le début de celle-ci, le traitement hormonal de substitution aurait un effet cardioprotecteur, tandis qu’il augmenterait le risque d’évènements cardio-vasculaires chez les femmes déjà ménopausées depuis longtemps.

Le British Medical Journal [BMJ 2012 ;345 :e6409 (doi :10.1136/bmj.e6409)] a publié récemment les résultats d’une étude randomisée ayant évalué les effets à long terme d’un traitement hormonal de substitution (à base d’estradiol seul chez les femmes hystérectomisées, ou en association à la noréthistérone chez les femmes non hystérectomisées)  chez 1.000 femmes récemment ménopausées âgées de moins de 60 ans. Les résultats après 10 ans de randomisation et 6 ans supplémentaires de suivi révèlent  une diminution statistiquement significative  d’environ 50% du critère d’évaluation primaire (une combinaison de mortalité, d’insuffisance cardiaque et d’infarctus du myocarde) chez les femmes qui ont reçu le traitement hormonal de substitution  rapidement après le début de la ménopause, et ce apparemment sans augmentation du risque de cancer, de thrombo-embolie veineuse ou d’accident vasculaire cérébral, par rapport aux femmes ne recevant pas de traitement hormonal de substitution. Ces résultats doivent être interprétés avec la prudence requise étant donné un certain nombre de limites dans cette étude. Comme le soulignent les auteurs, il s’agit en effet d’une étude ouverte, non contrôlée par placebo, non double aveugle;  la randomisation n’a pas non plus été effectuée de manière optimale (les femmes du groupe contrôle étaient plus âgées de 4,7 mois en moyenne que les femmes du groupe traité). De plus, l’objectif initial de cette étude était d’évaluer l’effet du traitement hormonal de substitution en prévention primaire des fractures ostéoporotiques, et le nombre d’évènements cardio-vasculaires rapportés était faible (16 cas rapportés sur les 500 femmes ayant reçu un traitement hormonal de substitution et 33 cas rapportés sur les 500 femmes du groupe contrôle). Il s’agit donc d’une analyse post-hoc, c.-à-d. une analyse qui a été effectuée postérieurement à la fin de l’étude et qui n’était pas prévue dans le protocole; ce qui affaiblit le niveau de preuve de l’étude.

Bien que ces données paraissent à première vue rassurantes en ce qui concerne l’innocuité du traitement hormonal de substitution chez les femmes récemment ménopausées, elles ne sont pas suffisantes pour modifier les recommandations: lorsqu’un traitement hormonal de substitution est instauré, il est toujours conseillé à l’heure actuelle de ne pas le prolonger plus longtemps qu’il ne faut pour traiter les plaintes liées à la ménopause (symptômes vasomoteurs, atrophie génitale).