Le Centre belge de pharmacovigilance a été récemment informé de l’hospitalisation de trois enfants en raison d’une insuffisance rénale aiguë probablement due à la prise de doses élevées d’ibuprofène. De plus, chez deux des trois enfants, une infection par streptocoques bêta hémolytiques du groupe A (pneumonie avec pleurésie chez l’un des enfants; péritonite chez l’autre) a évolué en choc septique. Dans les jours précédant l’hospitalisation, les enfants (âgés de 15 mois, 20 mois et 12 ans) avaient reçu de l’ibuprofène contre la fièvre, en plus de paracétamol (3 enfants), de dompéridone (1 enfant) et d’oseltamivir (1 enfant). Le médecin rapporteur suspecte un lien entre la prise d’ibuprofène et les événements indésirables. De plus, une dose trop élevée d’ibuprofène a été administrée à deux des trois enfants : chez l’un suite à une erreur du dosage de la spécialité (Nurofen® 200 mg/5ml au lieu de Nurofen® 100 mg/5ml); chez l’autre en raison d’une confusion entre deux médicaments aux noms ressemblants (l’intention était d’administrer en alternance du paracétamol et de l’ibuprofène, mais de l’ibuprofène a été administré à chaque fois car on a erronément considéré que le Perdophen® (qui contient de l’ibuprofène) contient du paracétamol).

Quelques commentaires

  • Une insuffisance rénale aiguë consécutive à l’utilisation d’AINS est décrite chez les enfants, surtout en cas de déshydratation ou de doses élevées [voir Folia juillet 2005]. Les enfants dont il est question ici n’étaient pas considérés comme déshydratés, mais ceci ne peut être exclu vu la présence de fièvre, ainsi que de vomissements chez un enfant. Il existe par ailleurs un risque (très faible) de néphrite tubulo-interstitielle avec les AINS, qui n’est pas lié à l’hypovolémie.

  • Il est difficile d’évaluer si l’ibuprofène a joué un rôle dans la survenue des complications des infections par streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A (évolution vers un choc septique chez deux enfants), mais on ne peut l’exclure. On a déjà mentionné dans les Folia qu’une incidence accrue de complications cutanées graves (abcès, fasciite nécrosante) a été décrite chez les patients ayant la varicelle ou le zona, traités par un AINS [voir Folia mai 2013]. Selon une analyse parue dans La Revue Prescrire1, un certain nombre d’études d’observation, réalisées surtout chez des enfants, montrent que l’utilisation d’AINS pourrait être un facteur de risque de complications suppuratives (empyème) de pneumonies bactériennes; le risque était augmenté d’un facteur 2 à 4, voire à 8 par rapport à l’absence d’utilisation d’AINS. En raison de la possibilité de biais et de la présence de facteurs confondants, de telles études ne permettent pas de prouver un lien causal. La rédaction de La Revue Prescrire conclut qu’il est préférable d’éviter les AINS en cas d‘infection et que le paracétamol est le premier choix lorsqu’un antipyrétique est indiqué.

Conclusion du CBIP. Lorsqu’on choisit d’administrer un antipyrétique à un enfant ayant de la fièvre, le paracétamol par voie orale constitue en effet le premier choix. L’ibuprofène n’est qu’un second choix car, bien qu’il soit aussi efficace, le risque d’effets indésirables est supérieur. L’ibuprofène est déconseillé chez les enfants déshydratés ou présentant de la diarrhée ainsi que chez les enfants ayant une affection rénale chronique, ou en association avec d’autres médicaments qui peuvent avoir un effet sur la fonction rénale. Les AINS doivent aussi être évités chez les enfants ayant la varicelle ou le zona en raison d’une incidence accrue de complications cutanées très graves. Si l’ibuprofène est utilisé chez un enfant présentant de la fièvre ou des douleurs, il faut être particulièrement attentif à ce que l’hydratation soit suffisante (= eau et sel) et à contrôler régulièrement la diurèse [voir aussi Répertoire 8.1.]. Avec les médicaments contre la fièvre et la douleur, il convient aussi d’être particulièrement attentif à la posologie car, vu le nombre de préparations similaires (souvent de délivrance libre), des dosages ou des combinaisons inappropriés sont parfois utilisés par méconnaissance de leur composition correcte par l’utilisateur.

Sources spécifiques

1 AINS: infections des tissus mous et complications suppuratives de pneumopathies bactériennes. La Revue Prescrire 2017;37:109