Comme chaque année, les dépenses de l’INAMI pour les médicaments dans le secteur ambulatoire ont été publiées récemment. Il s’agit du top 25 des dépenses de l’INAMI en 2015 pour les médicaments remboursés délivrés dans les officines ouvertes. Les dépenses sont classées par principe actif [voir www.inami.fgov.be, cliquer sur « Publications »; terme de recherche « Infospot »]. Cette liste fournit bon nombre d’informations intéressantes.
La liste contient d’une part des médicaments coûteux qui sont utilisés par un nombre restreint de patients, tels que p.ex. les inhibiteurs du TNF adalimumab et étanercept, utilisés dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies immunitaires, et des facteurs de coagulation pour les patients atteints d’hémophilie. D’autre part, la liste contient des médicaments moins coûteux qui sont en revanche utilisés par beaucoup plus de patients. Parmi ceux-ci, nous en avons sélectionné quelques-uns que nous commentons de manière plus détaillée ci-après.

Statines

Comme l’année dernière [voir Folia de novembre 2015], on retrouve trois statines dans le top 25 de 2015: la rosuvastatine (en troisième place), l’atorvastatine et la simvastatine (en douzième et treizième place). En 2015, un remboursement a été effectué au total pour 1.372.742 patients traités par l’une de ces 3 statines. La rosuvastatine a été prescrite à 21 % des patients traités par une statine. Ce médicament est trois à quatre fois plus coûteux que les autres statines et représente la moitié du budget de l’INAMI alloué aux statines. L’importante consommation de rosuvastatine contraste avec les données scientifiques qui ne justifient qu’une utilisation plus limitée de la rosuvastatine [voir Folia de juillet 2015].

IPP

Comme les années précédentes, les IPP ont aussi à nouveau été fréquemment prescrits dans le secteur ambulatoire. Dans le top 25 on retrouve 2 IPP: le pantoprazole et l’oméprazole. En 2015, un remboursement a été effectué au total pour 1.816.542 patients traités par l’un de ces IPP. Ces données ne permettent toutefois pas de déterminer s’il s’agit ici de traitements de courte durée ou de traitements chroniques. Le pantoprazole reste l’IPP le plus populaire et a connu en 2015 une augmentation de 100.000 patients traités, par rapport à l’année précédente. 

AOD

Deux anticoagulants oraux directs (AOD) sont repris dans ce top 25. Le nombre de patients traités par le rivaroxaban a augmenté de 18 % par rapport à l’année précédente. L’apixaban, disponible depuis 2012, apparaît pour la première fois dans le top 25. Au total, environ 111.000 patients ont été traités en 2015 par l’un de ces deux AOD. Il existe plusieurs explications à ces chiffres. Il se pourrait que la plus grande facilité d’administration de ces médicaments incite les prescripteurs à instaurer plus souvent qu’auparavant un traitement anticoagulant p.ex. chez un patient atteint de fibrillation auriculaire. Il se peut aussi que les antagonistes de la vitamine K (acénocoumarol, phenprocoumone et warfarine) soient remplacés, parfois inutilement ou à tort, par un AOD chez un nombre croissant de patients. Pour le positionnement nuancé des antagonistes de la vitamine K et des AOD, nous renvoyons aux Folia de janvier 2017.

Amoxicilline + acide clavulanique

Bien que la part d’amoxicilline + acide clavulanique sur la consommation totale d’amoxicilline et d’amoxicilline + acide clavulanique ne cesse de diminuer chaque année (de 61% en 2002 à 47% en 2013), l’association amoxicilline + acide clavulanique reste toujours très (trop ?) fréquemment prescrite en Belgique en pratique ambulatoire. Cette association est rarement indiquée en première ligne et, selon l’avis du CBIP, les principales indications en pratique ambulatoire sont les suivantes.

  • Adultes: traitement empirique de la pneumonie chez les patients présentant une comorbidité ou une diminution de l’immunité; exacerbations aiguës de BPCO chez les patients présentant une comorbidité; pneumonie d’aspiration.
  • Enfants: l’association amoxicilline + acide clavulanique n’est à envisager dans les infections des voies respiratoires chez l’enfant que dans le cas d’une rhinosinusite aiguë ou d’une otite moyenne aiguë dont l’état ne s’améliore pas après 2 à 3 jours de traitement par l’amoxicilline en monothérapie. 
  • Certaines plaies par morsure.

Palipéridone

La palipéridone, un antipsychotique atypique et le principal métabolite actif de la rispéridone, est apparu pour la première fois dans le top 25 en 2014 et occupe la 20e place en 2015. Selon la forme (orale ou préparation « dépôt » injectable), ce médicament est enregistré pour le traitement de la schizophrénie et/ou des troubles schizo-affectifs. Il n’est pas démontré que la palipéridone soit plus efficace ou plus sûre que les autres antipsychotiques et un traitement par la palipéridone est considérablement plus coûteux (pour la communauté, pas pour le patient) qu’un traitement par des antipsychotiques plus anciens. Rien ne justifie donc de privilégier la palipéridone par rapport à d’autres antipsychotiques [voir Folia de janvier 2015].

Ce top 25 des médicaments de 2015 représente une dépense d’environ 922 millions d’euros ; les dépenses totales de l’INAMI pour les médicaments prescrits dans le secteur ambulatoire s’élevaient en 2014 à environ 2.600 millions d’euros (les données de 2015 ne sont pas encore disponibles). Cette somme ne comprend pas la contribution personnelle du patient (appelée “ticket modérateur”, souvent estimé à 20 %) ni le coût des médicaments non remboursés. 
Ce top 25 doit nous inciter à réfléchir à la question de savoir si une prescription médicamenteuse plus adéquate ne pourrait pas permettre des économies et une redistribution des moyens pour d’autres besoins au sein de la communauté.