La vaccination contre la coqueluche durant la grossesse vise à protéger les nourrissons contre la coqueluche au cours des 2 à 3 premiers mois de leur vie, à un moment où eux-mêmes ne sont pas encore (complètement) vaccinés. Que savons-nous de l’effet protecteur et dispose-t-on de nouvelles données de sécurité en 2022 ?

  • Des études observationnelles parues après notre article du Folia d’octobre 2017 montrent une protection des jeunes nourrissons contre la coqueluche confirmée en laboratoire (protection d’environ 80% dans la méta-analyse et l’étude de cohorte rétrospective) et la coqueluche sévère (combinaison d’hospitalisation et de décès ; protection d’environ 60% dans l’étude de cohorte rétrospective).

  • Un effet blunting (diminution de la réponse immunitaire vaccinale du nourrisson lorsque la mère a été vaccinée pendant la grossesse) et un signal de risque de chorioamniotite post-vaccinale appellent à des recherches complémentaires, mais aucun effet clinique négatif n’a encore été démontré à ce stade.

Malgré leur limites, les données disponibles en 2022 soutiennent la recommandation de vacciner les femmes enceintes pendant la grossesse pour protéger les très jeunes nourrissons contre la coqueluche.

La mortalité et la morbidité due à la coqueluche (pertussis) sont les plus élevées chez les jeunes enfants, surtout durant la première année de vie. La plupart des cas apparaissent dans les premiers mois de vie lorsque le nourrisson n’est pas encore (complètement) protégé par sa propre vaccination.1,2

Pour protéger les nourrissons dans les premiers mois de vie, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) recommande la vaccination contre la coqueluche durant la grossesse. La vaccination se fait à chaque grossesse et de préférence entre les semaines 24 et 32 (mais elle peut se faire dès la 16e semaine et jusqu’en fin de la grossesse).1 Si la mère n’a pas été vaccinée pendant la grossesse, le CSS recommande de la vacciner peu après l’accouchement, ainsi que l’entourage proche du nourrisson (vaccination « cocoon »).1

  • Boostrix® et Triaxis® sont mis à disposition gratuitement respectivement par la Communauté flamande et par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la vaccination de la femme enceinte [Voir Tableau 12b du Répertoire]. Boostrix® est également mis à disposition gratuitement par la Communauté flamande pour la vaccination « cocoon » [voir Tableau 12b du Répertoire].
  • Le CSS mentionne dans son avis un taux de vaccination chez la femme enceinte de 69% en Flandre (chiffres de 2016), 39% en Wallonie (chiffres de 2017) et 31% à Bruxelles (chiffres de 2017).

Dans les Folia d’octobre 2017, nous avions déjà discuté de quelques études observationnelles qui montraient un risque plus bas de coqueluche et/ou de morbidité et de mortalité associées à la coqueluche, chez les nourrissons dont les mères avaient été vaccinées durant la grossesse, par rapport aux nourrissons de mères non vaccinées ou de mères vaccinées peu après l’accouchement. Nous relevions également la possibilité d’un effet blunting (effet d’émoussement) : chez l’enfant, les anticorps maternels persistants peuvent affecter la réponse immunitaire de l’enfant à sa primovaccination contre la coqueluche.

Dans le présent article, nous examinons de nouvelles données d’efficacité et de sécurité, et nous rapportons quelques observations de nos homologues de La Revue Prescrire (France), ainsi que nos propres réflexions à ce sujet.

Efficacité : preuves supplémentaires de protection contre la coqueluche

  • Une méta-analyse d’études observationnelles (Nguyen et al., 20223) et une étude de cohorte rétrospective australienne (Rowe et al., 20214, non reprise dans la méta-analyse) apportent des preuves supplémentaires montrant que la vaccination de la mère durant la grossesse protège le jeune nourrisson

    • contre la coqueluche confirmée en laboratoire, le taux de protection étant d’environ 80% chez les nourrissons de moins de 2 à 3 mois ;

    • contre les formes graves de coqueluche (combinaison d’hospitalisation et décès), le taux de protection étant d’environ 60% chez les nourrissons de moins de 2 mois.

      • Dans la méta-analyse de Nguyen et al. (2022)3) 7 études observationnelles ont été incluses (2 études de cohorte rétrospectives et 5 études cas-témoins). L’incidence de la coqueluche confirmée en laboratoire chez les enfants de moins de 3 mois s’élève à 0,068% (73 cas sur 111  513) lorsque la mère a été vaccinée pendant la grossesse, contre 0,24% (264  cas sur 111 397) lorsque la mère n’a pas été vaccinée durant la grossesse. Ce qui correspond à un RC de 0,22 (IC à 95% de 0,14 à 0,33) et à une protection de 78% (IC à 95% de 67% à 86%). La morbidité et la mortalité associées à la coqueluche n’étaient pas des critères d’évaluation dans cette méta-analyse.
      • L’étude de cohorte rétrospective australienne (Rowe et al., 20214; période 2015-2017; 127 026 enfants de mères vaccinées durant la grossesse ; 41  518 enfants de mères non vaccinées) a trouvé chez les enfants de moins de 2 mois dont les mères étaient vaccinées, une protection contre la coqueluche confirmée en laboratoire de 80,1% (IC à 95% de 37,1 à 93,7%, critère d’évaluation primaire) et contre les formes graves de coqueluche (ayant entraîné unehospitalisation ou un décès, critère d’évaluation secondaire) de 61,66% (mais avec un IC à 95% très large : de 6,00% à 84,36%). Chez les enfants de 2 à 6 mois, aucun effet protecteur n’a été trouvé.
  • Le rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS)5 française renvoie également vers quelques études cas-témoins, parues entre 2019 et 2022 et qui n’ont pas été incluses dans la méta-analyse de Nguyen et al citée ci-dessus. Celles-ci montrent une protection contre la survenue de coqueluche confirmée en laboratoire (qui varie de 81% à 88%) ou d’hospitalisations associées à la coqueluche (84%) chez les nourrissons de moins de 2 à 3 mois.

Sécurité: effet blunting et signal d’un risque de chorioamniotite post-vaccinale, mais pas de preuve d’effets cliniques négatifs

Lors de la primovaccination contre la coqueluche, on observe chez les nourrissons de mères vaccinées pendant leur grossesse, une réponse immunitaire plus faible (concentration des anticorps) que chez les nourrissons de mères non vaccinées : c’est ce qu’on appelle « l’effet blunting ». En 2022, il n’y a pas de preuves que cet effet blunting entraîne des cas de coqueluche plus nombreux ou plus graves chez les nourrissons vaccinés dont les mères ont été vaccinées durant la grossesse.5,6 Une surveillance continue est conseillée.

Quelques études observationnelles signalent un risque de chorioamniotite suite à la vaccination (risque relatif dans une méta-analyse de 6 études7: 1,27; IC à 95%  de 1,14 à 1,42). Toutefois, les études ayant évalué ce risque n’ont pas constaté de risque accru de naissance prématurée ou d’infections néonatales (complications possibles de la chorioamniotite). Le niveau de preuve de ces études est faible en raison de leurs limites (incertitudes concernant le diagnostic, différences dans l’incidence de la chorioamniotite entre les études, etc.). Des recherches complémentaires sont nécessaires.5-9

Point de vue de nos homologues de La Revue Prescrire (France)

En septembre 2022, La Revue Prescrire5 publiait un article suite à la recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS), en avril 2022, de vacciner les femmes enceintes contre la coqueluche. La Revue Prescrire indique que la vaccination de la mère pendant la grossesse paraît plus efficace pour protéger les jeunes nourrissons que la vaccination « cocoon », et qu’elle est plus facile à mettre en œuvre.

La Revue Prescrire s’appuie sur le rapport de la HAS5. En ce qui concerne la vaccination « cocoon » :

  • La HAS conclut que la stratégie vaccinale chez la femme enceinte est considérée plus coût-efficace que la stratégie du cocooning (sur la base d’une méta-analyse).
  • La vaccination « cocoon » n’est probablement pas efficace dans les territoires où le taux d’incidence de la coqueluche est faible, car il faudrait vacciner un très grand nombre de personnes pour prévenir une hospitalisation ou pour éviter un décès d’un jeune nourrisson.
  • Une étude observationnelle américaine et une étude observationnelle australienne n’ont pas observé de bénéfice avec la vaccination « cocoon » en ce qui concerne la survenue de la coqueluche chez le jeune nourrisson.

Selon la Revue Prescrire, aussi bien la vaccination de la femme enceinte que la vaccination « cocoon » sont des options acceptables, tant que la situation épidémiologique en France reste inchangée (faible nombre de cas (mortels) chez les nourrissons) et que des incertitudes persistent autour d’un éventuel risque de chorioamniotite. L’option choisie dépendra surtout de la capacité à mettre en œuvre la vaccination « cocoon ».

Quelques réflexions du CBIP

  • Toutes les études sur l’effet protecteur chez le nourrisson de la vaccination contre la coqueluche durant la grossesse sont basées sur des données observationnelles, obtenues rétrospectivement. De par leurs limites (biais, facteurs confondants), elles ne permettent pas de démontrer un lien causal. De plus, le moment de vaccination et le vaccin utilisé (avec ou sans composante polio) varient d’une étude à l’autre. Toutefois, compte tenu des obstacles éthiques et de la faible prévalence de la coqueluche (en particulier de la morbidité et mortalité sévères liées à la coqueluche), des études randomisées ne sont pas envisageables dans ce domaine.

  • Malgré leur limites, les données disponibles soutiennent la recommandation de vacciner les femmes enceintes pendant la grossesse pour protéger les jeunes nourrissons contre la coqueluche. La vaccination durant la grossesse confère probablement une meilleure protection au nourrisson que la vaccination « cocoon », tout en étant plus facile à mettre en œuvre et plus coût-efficace.1,5

  • L’effet blunting et le signal du risque de chorioamniotite suite à la vaccination nécessitent des études complémentaires, mais à ce jour, il n’y a pas de preuves d’un effet clinique négatif.

Sources spécifiques

1Conseil Supérieur de la Santé (CSS). Immunisation maternelle : Lignes directrices belges. Avis n° 8754 (novembre 2020).
Sciensano. Surveillance épidémiologique de la coqueluche. Bordetella pertussis – 2020
3 Nguyen HS, Vo N-P, Chen S-Y et al. The Optimal Strategy for Pertussis Vaccination: A Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Control Trials and Real-World Data. American Journal of Obstetrics and Gynecology 2022;226:P52-67.E10 (doi: https://www.ajog.org/article/S0002-9378(21)00777-8/fulltext)
4 Rowe SL, Leder K, Perrett KP, et al. Maternal Vaccination and Infant Influenza and  Pertussis. Pediatrics. 2021;148(3):e2021051076 (doi: https://doi.org/10.1542/peds.2021-051076)
5 Vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche. La Revue Prescrire 2022;42:684(1-3), met verwijzing naar : Haute Autorité de Santé (HAS), Recommandation vaccinale contre la coqueluche chez la femme enceinte, Recommandations de vaccins, avril 2022.

6 Kinkhoestvaccinatie voor zwangere vrouwen. Effectieve kinkhoestpreventie voor zuigelingen? Geneesmiddelenbulletin 2018;52:81–8
7 Andersen AR, Kolmos SK, flanagan KL et al. Systematic review and meta-analysis of the effect of pertussis vaccine in pregnancy on the risk of chorioamnionitis, non-pertussis infectious diseases and other adverse pregnancy outcomes. Vaccine 2022;40:1572-82 (doi: https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2021.02.018)
8 Vygen-Bonnet S, Hellenbrand W, Garbe E et al. Safety and effectiveness of acellular pertussis vaccination during pregnancy: a systematic review. BMC Infectious diseases 2020;20:136 (doi: https://bmcinfectdis.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12879-020-4824-3)
9 RIVM (Nederland). Achtergrond over maternale kinkhoestvaccinatie, 27/11/2019.