L’étude ColCORONA était déjà relayée par la presse au mois de mars 2021. Cette étude randomisée a examiné si la colchicine était associée à une réduction du risque de complications graves chez les patients atteints de COVID-19 (confirmée ou non par PCR) qui n’étaient pas hospitalisés mais présentaient au moins 1 facteur de risque de développer une forme grave. Au mois de mars, avec seulement un communiqué de presse des investigateurs à l’appui, il était prématuré de tirer des conclusions [voir Folia de mars 2021]. Le 27 mai 2021, les résultats de l’étude ColCORONA ont été publiés early online dans le Lancet Respiratory Medicine.1 Ces résultats n’apportent pas de preuves suffisantes que la colchicine réduit le risque de complications chez les patients COVID-19 non hospitalisés. Quelques détails.
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Protocole de l’étude :
- Étude randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, chez des patients COVID-19 non hospitalisés (n=4 488) présentant au moins 1 facteur de risque de développer une forme grave de COVID-19 : IMC ≥ 30 kg/m2, âge ≥ 70 ans, diabète ou autres comorbidités cardio-respiratoires.
- Âge médian : 54 ans. 55% de femmes ; 20% de diabétiques ; IMC moyen 30 kg/m2.
- COVID-19 confirmée par un test PCR ou diagnostiquée sur la base des symptômes cliniques, dans les 24 heures précédant l’inclusion dans l’étude.
- À l’inclusion, les patients présentaient déjà des symptômes depuis en moyenne 5,3 jours.
- Dose de colchicine : 0,5 mg 2 x p.j. pendant 3 jours, puis 0,5 mg 1 x p.j. pendant 27 jours.
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Efficacité :
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Le critère d’évaluation primaire (critère combiné d’hospitalisations et de décès liés à la COVID-19, survenant dans les 30 jours après la randomisation) est survenu chez 4,7% des patients du groupe colchicine contre 5,8% dans le groupe placebo ; une différence non statistiquement significative (juste en dessous du seuil de signification statistique) : rapport de cotes 0,79 (IC à 95% de 0,61 à 1,03).
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Dans le sous-groupe pré-spécifié de patients COVID-19 dont le diagnostic avait été confirmé par PCR (93% des patients inclus), la différence sur le critère d’évaluation primaire (4,6% contre 6,0%) était (tout juste) statistiquement significative : rapport de cotes 0,75 (IC à 95% de 0,57 à 0,99). Le nombre de sujets à traiter (NST) était de 70, avec un intervalle de confiance très large (IC à 95% de 36 à 1 842).
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Innocuité : les effets indésirables gastro-intestinaux ont été fréquents : 24% (colchicine) contre 15% (placebo), surtout la diarrhée (14% contre 7%). Il y a eu plus d’embolies pulmonaires dans le groupe colchicine (0,5%) que dans le groupe placebo (0,1%), sans que ce phénomène puisse être expliqué.
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Quelques commentaires :
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L’étude a été arrêtée prématurément pour des raisons logistiques, alors qu’elle incluait seulement 75% des participants initialement prévus, ce qui en réduit le niveau de preuve.
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Selon l’auteur de l’éditorial s’y rapportant2, il est trop tôt pour recommander la colchicine comme traitement de la COVID-19 en première ligne. Il préconise la poursuite des recherches sur la colchicine ainsi que sur d’autres traitements anti-inflammatoires pouvant être utilisés chez les patients COVID-19 traités en ambulatoire. À l’heure actuelle, aucun traitement anti-inflammatoire n’a une efficacité prouvée chez les patients COVID-19 non hospitalisés. Seulement chez les patients COVID-19 hospitalisés nécessitant une supplémentation en oxygène, une réduction de la mortalité a été démontrée avec les corticostéroïdes (la dexaméthasone étant la plus documentée). Chez les patients COVID-19 non gravement malades (ambulatoires ou hospitalisés), les corticostéroïdes ne sont pas recommandés en raison d’un effet potentiellement néfaste.
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Conclusion
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L’étude ColCORONA n’apporte pas de preuves suffisantes que la colchicine réduit le risque de complications chez les patients COVID-19 non hospitalisés. L’utilisation de la colchicine ne peut pas être recommandée en dehors du contexte d’études cliniques. La colchicine est en outre un médicament dont la marge thérapeutique-toxique est étroite. Les effets indésirables en cas de surdosage, ou suite à une interaction avec des médicaments inhibant le métabolisme de la colchicine, peuvent être graves [voir Folia de mars 2021 et Répertoire, chapitre 9.3.1].
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Chez les patients hospitalisés, il était déjà clair qu’il ne fallait pas s’attendre à un bénéfice avec la colchicine : voir Folia d’avril 2021 sur l’arrêt du bras colchicine de l’étude RECOVERY suite à une analyse intermédiaire qui n’avait révélé aucun bénéfice de la colchicine sur le critère d’évaluation primaire (« mortalité après 28 jours »), les investigateurs ne prévoyant pas de bénéfice en cas de poursuite du recrutement.
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Note: Pour tous nos articles relatifs aux médicaments dans la COVID-19: voir notre page Actualités COVID-19
Souces spécifiques
Sources générales
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La Revue Prescrire. Colchicine et covid-19 ne justifiant pas d’hospitalisation : pas d’efficacité démontrée, et des risques avérés. Dans l’actualité. Communiqué du 14/06/21
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https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/therapies/immunomodulators/colchicine/ (dernière mise à jour : 21/04/21; consulté le 17/06/21)
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The Medical Letter: https://secure.medicalletter.org/downloads/1595e_table.pdf